La galère de salariés en CDI remplacés par des employés en RSA à Marseille (ENQUÊTE, DOSSIER)
MARSEILLE, 30 mai 2009 (AFP)
Une quarantaine de salariés travaillant en CDI à temps plein au nettoyage de foyers Adoma à Marseille ont été évincés de leur emploi sans être licenciés en novembre 2007 et remplacés par des salariés expérimentant le revenu de solidarité active (RSA), selon une enquête de l'AFP.
Depuis, ils réclament que la justice statue sur leur sort. Elle leur a donné raison en décembre 2007 et décembre 2008 mais ces jugements font l'objet d'appels avec des décisions attendues fin 2009.
L'affaire a débuté quand des régies d'insertion sociale, la Régie Nord Littoral et la Régie Service 13, ont remporté le marché du nettoyage des 28 foyers marseillais d'Adoma (ex-Sonacotra), entreprise gérée à 57% par l'Etat.
Ces régies n'ont pas voulu reprendre les salariés des entreprises sortantes --comme cela est prévu par la convention collective des entreprises du nettoyage--, faisant valoir leur mission d'insertion et un statut différent d'association loi 1901.
Non repris mais dans le même temps non licenciés, ces salariés qui travaillaient en CDI à temps plein avec en moyenne seize ans d'ancienneté professionnelle, se sont retrouvés sans emploi, ni salaire ou droit au chômage.
Nadia Begaga, 55 ans, l'une d'entre eux, ne touche plus son salaire de 1.600 euros net mensuel depuis novembre 2007. En février 2008, elle a accepté la proposition des Assedic de lui verser 800 euros par mois pour survivre, des sommes qu'elle s'est engagée à rembourser si elle gagne son procès contre les régies et Adoma.
"Je veux être reprise, je suis apte au travail, j'ai toujours travaillé depuis 25 ans et je ne veux pas être dans l'assistanat", explique-t-elle à l'AFP.
"J'ai des loyers en retard, des crédits et un huissier qui me menace", souligne un autre salarié lésé, Issouf Hafoussi.
En novembre 2007, les Bouches-du-Rhône venaient d'être choisies pour expérimenter le RSA qui entre en vigueur lundi et permet à des personnes sans emploi touchant le RMI (454,63 euros pour un célibataire) de reprendre un travail en conservant le RMI augmenté d'un complément de 100 à 200 euros.
Les régies ont alors eu recours en toute légalité à ce dispositif pour honorer leurs contrats de nettoyage, dénoncent la CGT et les salariés lésés. Une information confirmée par l'avocat des régies, Me Michel Dosseto.
"Si les régies avaient dû reprendre les 40, elles n'auraient pas pu donner une chance à des gens recommandés par les services sociaux du conseil général ou des HLM", affirme-t-il.
Inquiète, la Chambre régionale des entreprises de propreté du Sud-Est (Crepse) a pris un avocat pour défendre les intérêts de la profession. "Il faudrait aboutir à ce que ces associations (comme les régies, ndlr) n'aient plus le droit de venir sur nos marchés", affirmait en mars 2009 le compte-rendu du conseil d'administration de la Crepse qui souhaite que la Fédération nationale des entreprises de propreté engage avec elle une procédure sur le problème de concurrence déloyale que soulève l'affaire.
Pour Charles Hoareau, syndicaliste CGT qui défend 33 des 40 salariés, le dossier Adoma s'apparente à du dumping social. "Le grand danger de cette affaire, c'est la casse du droit du travail", estime-t-il.
"La situation de ces 40 salariés est dure et préoccupante", admet Lisette Narducci, vice-présidente PS du conseil général des Bouches-du-Rhône, qui finance en partie le RSA. Mais "notre marge de manoeuvre est nulle", dit-elle.
"La situation est inédite et dramatique. Personne ne sait quoi faire de mes clients, ni les régies, ni Adoma, ni la justice", regrette Me Julien Bernard, avocat de 33 des 40 salariés.