Quelques petits effets collatéraux de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique dite ELAN, du 23 novembre 2018.
On avait beaucoup entendu parler de l'aspect "simplification des normes de construction" qui n'impose désormais plus que l'ensemble des logements neufs soient accessibles aux handicapés (tout à fait cohérent avec le vieillissement en cours de la population qui fait que de plus en plus de personnes sont moins agiles, et sans forcément aller jusqu'au fauteuil roulant, peuvent avoir besoin de cannes, voir d'un cadre pour se déplacer).
Mais en ces jours de hausse du prix de l'électricité, savez-vous qu'il n'y a désormais plus d'obligation de construire un conduit de cheminée dans les nouvelles maisons chauffées au 100% électrique? (merci la veille juridique du boulot d'avoir signalé ça) C'est totalement idiot puisque le coût d'une gaine de cheminée est absolument marginal sur une maison neuve… En revanche, quand les occupants reçoivent leur première facture de chauffage électrique, ils se disent que finalement un poêle ou un insert dans le salon ça serait sympa. Jusqu'à maintenant, il leur suffisait de se brancher sur le tube existant. Désormais, ça sera un tube en façade à rajouter dans le budget (avec toutes les autorisations administratives qui vont avec, pour autant que le PLU ne l'interdise pas, comme c'est le cas dans pas mal de communes) pour ceux qui n'auront pas demandé l'option à quelques centaines d'euro au promoteur qui va ainsi pouvoir améliorer sa marge.
Autre exemple de simplification en copropriété dans la même loi. Il y a quelques années, le gouvernement avait tenté d'imposer dans le cas d'une installation collective le comptage du chauffage par appartement, soit au moyen de compteurs, soit au moyen de répartiteurs. Les associations de copropriétaires s'étaient battues pour que les répartiteurs soient exclus et avaient gagné, car ces répartiteurs ne permettent pas une mesure juste (dans certains cas, les répartiteurs comptabilisent comme une consommation de chauffage la chaleur apportée par les rayons du soleil dans un logement). De plus, les relevés des répartiteurs donnent lieu à des pondérations tout à fait opaques de la part des prestataires qui les louent. Sachant que dans tous les cas, certaines installations ne permettent ni l'installation de compteurs ni de répartiteurs. Hé bien, le syndicat du crime de la mesure, lobby professionnel des loueurs de compteurs, a réussi à faire modifier la loi à son avantage: désormais, il faudra que la copropriété fasse, aux frais des copropriétaires, une étude technique démontrant l'impossibilité technique ou le non-sens économique pour pouvoir se dispenser de l'installation de compteurs ou de répartiteurs. Et pour être sûr que cette astuce ne soit pas repérée trop vite, la disposition n'a pas été inscrite dans la loi sur la copropriété, mais dans le code de l'énergie. Le but de la mesure de consommation sur les installations collectives n'est pas réellement de faire faire des économies, mais de pouvoir facturer fort cher la location de compteurs ou de répartiteur (un répartiteur, c'est 15 à 20€ par an de location, soit pour un T3 à 5 radiateur 75 à 100€ par an, puisqu'il en faut un par radiateur) Ces coûts de locations sont inamortissables par les quelques économies qu'ils généreront. En revanche, ils viennent pomper un peu plus les copropriétaires qui auront ainsi moins de moyens pour améliorer l'isolation de leur immeuble.
Bref, la simplification est bien partie. Et quand on voit le niveau crasse du législateur dans le domaine des normes de construction ou des copropriété, on se demande si les ministres, leur cabinet, voir leurs responsables d'administration centrale, ont déjà vu une maison, un appartement ou une copropriété… Par contre, ils semblent avoir largement vu un certain nombre de lobbys, et ça ne date pas du "nouveau monde", même si l'arrivée de Christophe Colomb… Jupiter à l’Élysée n'a rien arrangé. :sleeping: