De retour de la place des Terreaux à Lyon. Une foule immense et un silence.
Oui, c'est un acte de guerre, et pas contre n'importe qui. Contre les libres penseurs, les anar'. Bref, les bêtes noirs de tous les allumés de dieu.
Et on commence à voir les politiques de tous poils commencer la manœuvre de récupération. Ce sont les même qui vont faire la danse du ventre pour quelques contrats avec des états qui financent ces malades. Ce sont ceux-là qui vont déambuler en rang d'oignon derrière les cercueils. Je pense que jamais ces immenses personnages n'auraient voulu d'une hypocrite union nationale du PC au FN pour leur enterrement.
Je complète par l'édito de Libé qui me semble avoir trouvé les mots les plus juste:Citation de Libération
Oui, c'est un acte de guerre, et pas contre n'importe qui. Contre les libres penseurs, les anar'. Bref, les bêtes noirs de tous les allumés de dieu.
Et on commence à voir les politiques de tous poils commencer la manœuvre de récupération. Ce sont les même qui vont faire la danse du ventre pour quelques contrats avec des états qui financent ces malades. Ce sont ceux-là qui vont déambuler en rang d'oignon derrière les cercueils. Je pense que jamais ces immenses personnages n'auraient voulu d'une hypocrite union nationale du PC au FN pour leur enterrement.
Je complète par l'édito de Libé qui me semble avoir trouvé les mots les plus juste:
«Charlie» vivra
7 janvier 2015 à 19:38
ÉDITORIAL
Ils ont tué Cabu ! Ils ont tué Cabu, le pacifiste, le généreux, le meilleur homme de la Terre autant que le meilleur dessinateur.
Ils ont tué Wolin, Charb, Tignous, Bernard Maris, et les autres ! Wolinski, le plus drôle, le sybarite tendre, celui qui aimait le plus la vie. Charb le père courage, Tignous le gentil teigneux, Bernard, le professeur d’éco que tout le monde aurait voulu avoir, le lettré plein de conviction et de culture. Ils ont failli tuer Philippe, notre ami. Philippe Lançon, brillant critique à Libération, journaliste et écrivain, qui en réchappe de justesse. Libération est touché au cœur. Charlie et sa bande, ce sont nos cousins. Avec leurs amis, leurs familles, nous pleurons.
Charlie, c’était le rire intelligent, le rire impitoyable, la dérision, le refus du tragique, l’ironie pleine d’espérance, Voltaire en vignettes, un coup de pied au cul des fanatiques. Contre les crayons, les fusains et les bulles, ils ont sorti les kalachnikovs. Quel aveu de faiblesse ! Quand on n’a pas d’arguments, on tire.
Alors ils ont tué Charlie ? Non. Ils ont raté leur coup. Charlie vivra, grâce à ses lecteurs, Charlie vivra en esprit, à travers nous tous. Nous sommes tous des Charlie. Libé avait accueilli Charlie il y a quelque temps, en raison d’un attentat, déjà, qui avait détruit leurs bureaux… Si nécessaire, nos locaux sont disponibles, naturellement.
Ils ont raté leur coup. En tuant nos amis, ils nous ont meurtris mais ils nous ont fortifés. Les dessinateurs de Charlie, depuis un demi-siècle, illustrent tous les jours la raison d’être de la presse : savoir et juger, débusquer les ridicules et les injustices, se hâter d’en rire pour ensuite les combattre, mesurer, en même temps, la vanité du monde. Ils étaient des symboles de la génération 68, dont on dit tant de mal, mais dont on oublie qu’elle a ferraillé sans cesse pour plus de liberté. Ils ont renversé tous les tabous, ridiculisé tous les dogmes, mis un bonnet d’âne à toutes les statues du commandeur, fait un bras d’honneur à tous les donneurs de leçon.
Né sous la Ve autoritaire, Charlie a servi de bréviaire aux enfants de Mai. Chaque semaine, c’est un sarcasme jeté à la tête des puissants, un pied de nez à l’esprit de sérieux, le tout au service d’une société différente, un peu meilleure, un peu plus fraternelle. Si nous vivons avec moins de préjugés, moins de censure, moins de corsets et de principes désuets, avec un peu plus d’autonomie, de libre arbitre, d’humour, c’est aussi grâce à ce gang de viveurs tonitruants et chaleureux, qui ont toujours préféré un bon mot à un renoncement et qui l’ont payé de leur vie. Au long de leur longue histoire, ils n’ont jamais dévié. Tous les autoritaires, les solennels, les répressifs, les obscurantistes, les pisse-froid et les importants de France ont eu à se plaindre de Charlie. Les voilà vengés… Charlie fut jadis censuré par le gaullisme, scandale oublié. Charlie est poignardé par l’islamisme. On a changé d’époque.
Est-ce un hasard ? Les terroristes ne se sont pas attaqués aux «islamophobes», aux ennemis des musulmans, à ceux qui ne cessent de crier au loup islamiste. Ils ont visé Charlie. C’est-à-dire la tolérance, le refus du fanatisme, le défi au dogmatisme. Ils ont visé cette gauche ouverte, tolérante, laïque, trop gentille sans doute, «droit-de-l’hommiste», pacifique, indignée par le monde mais qui préfère s’en moquer plutôt que d’infliger son catéchisme. Cette gauche dont se moquent tant Houellebecq, Finkielkraut et tous les identitaires… Les fanatiques ne défendent pas la religion, qui peut être accueillante, ils ne défendent pas les musulmans, qui sont révoltés dans leur immense majorité par ces meurtres abjects. Ils attaquent la liberté.
Ainsi la voie est toute tracée. Pour se défendre, la liberté respectera son propre principe : poursuivre sans relâche les criminels, les arrêter et les traduire devant les tribunaux réguliers, où ils recevront la punition méritée, ni plus, ni moins ; réunir dans une juste mobilisation tous les républicains, qui désigneront sans ambages l’adversaire, le terrorisme et non l’islam, le fanatisme et non la foi, l’extrémisme et non leurs compatriotes musulmans, qui sont les premières victimes de l’intégrisme et qui sont solidaires dans l’épreuve.
Quant à nous, journalistes, amis des journalistes assassinés, nous continuerons. Avec un peu moins de cœur à l’ouvrage, sans doute, pour quelque temps, mais avec une résolution plus forte. Nous savons que cette profession est parfois dangereuse. C’était jusqu’à présent le lot des reporters qui partent nous informer sur les pays en guerre. Il en meurt des dizaines chaque année. Maintenant on veut porter la guerre jusque dans nos salles de rédaction. Nous ne ferons pas la guerre. Nous ne sommes pas des soldats. Mais nous défendrons notre savoir-faire et notre vocation : aider le lecteur à se sentir citoyen. Ce n’est pas grand-chose mais c’est quelque chose. Avec une certitude mieux ancrée : maintenant, nous savons pourquoi nous faisons ce métier.
Laurent JOFFRIN Directeur de la publication de Libération