On ne parle plus beaucoup lecture par ici, mais l'un des avantages de réduire les réseaux sociaux, c'est de retrouver le temps de lire et surtout la concentration nécessaire pour le faire.
Je pointe ici quelques lectures récentes, qui ne comprennent pas les livres de non fiction (comment dit-on en français ?) dont j'ai parlé ailleurs. Je me suis beaucoup laissée guider par ce qui était disponible en prêt numérique via ma bibliothèque municipale.
Le pays des autres de Leïla Slimani
Son livre précédent, Chanson douce m'avait marquée. J'adore cette auteure, j'adore son style d'écriture et j'adore l'écouter parler de littérature. Avec le pays des autres, elle entame le premier tome d'une grande fresque sur plusieurs générations. On suit le parcours de Mathilde, Alsacienne, qui a épousé Amine, Marocain venu combattre en France pendant la seconde guerre mondiale. À l'issue de la guerre, elle quitte son pays pour le rejoindre au Maroc et s'installer là-bas. Au centre du récit, les tensions croissantes entre colons et autochtones qui mèneront progressivement à l'indépendance, et les personnages qui tentent chacun de trouver leur place dans un contexte où ils sont toujours l'étranger de quelqu'un.
Il est un peu moins immédiatement accessible que Chanson douce, le contexte est moins familier, mais je me suis laissée emporter sans difficulté dans cette saga familiale dont j'attends déjà la suite avec impatience.
Une drôle de fille d'Armel Job.
Pour la petite histoire, cet écrivain belge était aussi l'un des directeurs de mon école secondaire, avant de commencer à publier des romans. Il place toujours ses intrigues en Ardennes ou à Liège, parfois à une époque contemporaine, mais plus fréquemment dans le passé. Et j'avoue que c'est toujours un plaisir de lire la caractérisation des personnages de ses romans, avec lesquels il n'est souvent pas très tendre, mais qui reflètent assez justement la mentalité de la région. Cette fois-ci, on suit l'histoire d'un couple de boulangers dans une petite ville (fictive) de la Province du Luxembourg dans les années 50, qui se retrouve bon gré mal gré à accueillir une adolescente, orpheline de guerre, en apprentissage. L'arrivée de cette jeune fille constituera le grain de sable qui va faire dérailler toute la machine et les conduira progressivement à leur perte.
Les yeux rouges de Myriam Leroy
Encore une auteure belge que je suis depuis longtemps via ses chroniques et émissions de radio, et dont j'avais beaucoup aimé le premier roman "Ariane". Cette fois-ci, elle s'inspire largement de sa propre histoire pour traiter du cyber-harcèlement dont elle fut victime pendant plusieurs mois. La trouvaille stylistique de ce roman : le discours indirect libre qui donne une vraie fluidité et permet d'éviter un récit trop introspectif, en narrant l'histoire via le discours des témoins (ou le chœur de la société, comme le dit l'auteure). Ça se lit d'une traite.
Un roman russe d'Emmanuel Carrère
C'est le premier livre que je lis de cet auteur, et je prévois déjà d'enchaîner avec L'adversaire. Un roman russe est un objet littéraire à part, hybride, qui échappe à la catégorisation des genres. Il part à la fois sur les traces de son grand-père immigré géorgien, disparu lors de la libération, raconte le making of d'un documentaire réalisé dans la ville de Kotelnich et fait le récit autobiographique de sa relation amoureuse de l'époque. D'aucuns pourraient n'y voir qu'un délire égocentrique d'un intellectuel parisien, le genre de choses avec lequel j'ai très peu de patience d'habitude. Mais ce n'est pas l'impression que j'en ai ressortie. J'y ai vu au contraire beaucoup d'humilité et très peu de complaisance par rapport à son propre comportement. Bref, on aime ou on déteste, clairement. Je me situe dans la première catégorie.
Je passe un peu sur les autres lectures qui m'ont laissée une moins forte impression : Les désaccordés de Joe Dunthorne, qui provoque un défaut d'empathie, La figurante de Pauline Klein, aussitôt lu, aussitôt oublié, Les prénoms épicènes d'Amélie Nothomb, bien sans plus, et plusieurs livres d'Ito Ogawa, qui valent surtout par mon intérêt pour le Japon.
En parlant de Japon, j'ai relu récemment la trilogie 1Q48 de Murakami, qui vaut toujours le coup, malgré les longueurs du troisième tome. Le meurtre du commandeur, plus récent, n'en est d'ailleurs qu'une pâle copie.