Je vais vous calmer tous les deux avec ça :
Pourquoi l’extrême-gauche est une politique contre-culturelle plutôt vouée à l’échec ? (partie de la décroissance, non inclus)
Commençons par enfoncer des portes ouvertes, ça ne fait pas de mal. L’extrême gauche, en partie, c’est quoi ? Un courant d’idées basées sur la négation d’un système saturé de mensonges et de propagandes qui passent par les multinationales, la société de consommation et une idéologie nauséeuse sur l’acception de quelques mouvements jugés indécents (exemple : considérer la FN comme un parti comme les autres alors que la Constitution stipule que toute forme politique axant sa réthorique sur la xénophobie est interdit).
L’EG (pour aller plus vite) se veut être un mouvement de brouillage culturel afin de redistribuer les biens et répartir les droits à la culture pour tous et faire disparaître les barrières socio-professionnelles depuis l’éducation (installer des cours d’histoire de l’art dès la primaire) en passant par les loisirs jugés « élitistes » (exemple : une bonne place à l’Opéra Garnier vous coûtera plus de 50 euros, ce que je trouve inadmissible… même si j’ai pas pu résister pour aller voir le sublime anneau des Nibelungen de Wilson à Châtelet).
Historiquement parlant, les premières traces d’une révolte sociale remontent à la Révolution avec les bourgeois qui décident de remplacer une classe dominante par une autre plutôt que de l’abolir. Les paysans asservis par les aristocrates deviennent des ouvriers gouvernés par des capitalistes mais qui contrôlaient la production. Avec l’arrivée de l’économie de marché, l’argent devenait un privilège plus important que la possession de terres ou l’ascendance. Avec ce nouveau pouvoir, les classes laborieuses avaient donc la possibilité de consommer également, de jouir de cet atout jadis réservé aux hautes classes.
Puis vient Marx. Il critiquait les travailleurs qui étaient devenus des êtres aliénés à leur boulot afin de parvenir à d’autres fins. Au lieu de se révolter contre le capitalisme, ce dernier a su utiliser un bon chloroforme en les focalisant sur l’idée de gagner toujours plus d’argent pour avoir droit aux mêmes produits que les riches, comme une bonne couverture santé (enfin, ça dépend), de la nourriture chaque jour, des habits propres, etc… . Ils ne font que redorer une cage dans laquelle ils sont enfermés. Avoir libérer l’homme de l’esclavage pour le transposer dans une autre forme d’esclavage est un échec qui persiste encore de nos jours, par cycles… .
Ok, vous allez me dire : « et le droit vote, ça sert à quoi ? ». Oui, lorsque le vote fut établi, on s’est dit que les ouvriers allaient commencer par demander la dépossession des terres et des postes de direction des capitalistes. Nullement, puisque c’est aussi se priver du bonheur relatif dans lequel ils sont plongés. A défaut de réclamer une révolution, ils posent des impératifs de réformes. On retire le capitalisme tout en conservant les avantages (les trente-cinq heures pour avoir du temps libre et donc consommer un peu plus). Eh quoi ! Il fallait bien faire croire aux masses laborieuses que les biens de consommation bon marché (Lidl, C&A, etc…) pouvaient rendre heureux. Commode mais échec. Sous Marx, la religion était l’opium du peuple. Aujourd’hui, l’opium est le produit de consommation.C’est pratique, ça les tranquillise, ça les empêche de réfléchir à chercher le vrai bonheur. Et en plus, ils font tourner une machine capitaliste qu’ils combattent. Alors pourquoi la renverser si elle nous fait du bien ? Ils sont le meilleur soutien du système de production. Cocasse.
Sur un plan économique, l’EG accorde une importance à l’idée d’une alter-culture de la loi du marché avec l’intégration de produits issus du marché équitable faisant concurrence au capitalisme des grandes marques tout en usant d’un marketing éthique (obtenir quelque chose ressenti comme utile et charitable, acheter des objets conçus par des ouvriers « heureux » et non soumis à des conditions de travail déplorables, ou payer moins cher des habits sensiblement identiques à ceux des grandes maisons de coutures mais cette fois pour une "bonne cause"). Un exemple en la matière est Body-Shop avec sa gamme de cosmétiques qui n’ont pas coûte une goutte de sang animal ni une goutte de sueur chinoise. Y a aussi Starbuck avec son café des petits exploitants. Deux cas qui sont devenus des machines capitalistes, ah-ah…
Bien, au demeurant, on cherche à nous présenter une façon de renverser un système capitaliste en incitant les consommateurs à se rebeller, à retrouver le droit de choisir et non de subir. Cette vision existe depuis longtemps. Nos parents soixante-huitards (pour certains) avait en partie adopté ce mode de vie qualifié de « contre-culturel » en harmonie avec les idées de la gauche socialiste et surtout communiste. Mais voilà, ces mêmes parents ont, en très grande majorité, changé de bord et roulent en 4x4, vivent dans des lotissements protégés en banlieue aisée et sont cadres dans de grandes entreprises ou établissements administratifs.
Que s’est-il donc passé ? Pourquoi ce revirement ? L’EG n’était donc t’elle qu’un feu de paille ?
La publicité. Ce média a su modifier l’éthique de groupes de population sur un mode pourtant contestataire. Mielleux, certes, mais contestataire. Prenons l’exemple de Volkswagen. En voilà une marque qui porte bien son nom : la voiture du peuple. Après avoir fait les beaux jours d’une retour à la prospérité allemande sous le régime nazi (il me semble ?), la firme automobile décide de s’exporter dans les années 60 et 70 et lance en direction des foyers à revenu moyen le message suivant : « Tu veux montrer que tu n’es pas qu’un rouage de la machine ? Achète notre voiture ». La publicité a parfaitement assimilé l’esprit contestataire de l’homme cherchant à se démarquer du système. Il lui vend de la contre-culture. Mais de la contre-culture de masse.
Le temps passe. Les jeunes deviennent adultes et fondent des familles. La VW ne suffit pas à mettre la marmaille. Il faut quelque chose de plus gros. Pas question de faire comme Papa et Maman avec la voiture familiale, symbole infect de l’american way of life. Que nous reste-il ? Le 4x4. Un véhicule tout-terrain, dégagé du bitume, libre de circuler là où les autres autos ne peuvent aller : route de campagne boueuse, chemin escarpé en haute montagne, voie sablonneuse. Aller partout sans se soucier de tomber en rade. Etre libre. Tel était la vision que nos parents avaient de cette liberté contre-culturelle avec un tel engin. Rouler partout sans avoir à suivre une ligne droite prédéterminée, suivre son propre chemin, suivre sa voie rebelle.
Puis viennent les premiers enfants, nés dans les années 1970. Eux, la voiture, ça ne les intéressait pas. C’est polluant, bruyant et on ressent l’impression d’être enfermé dans une conserve. Une boîte de conserve de grande consommation. Que faire, que choisir pour se démarquer de ses géniteurs ? Les chaussures et le punk. On commence alors à détourner les rangers militaires pour faire un pied de nez à l’armée qui fait du mal aux viet-namiens. Les baskets Converse ont également rempli leur rôle avec la chaussure tout-terrain et cool, contrairement aux mocassins à glands symbolisant le salarié étriqué et répondant docilement aux ordres du capitalisme. L’ennemi était la voiture, l’ami la chaussure.
Enfin vient la génération des années 1980 qui se mit plus tard à rejeter la paire de baskets car fabriquées en masse en Asie du Sud-est et en Chine par des ouvriers sous-payés et maltraités afin de faire plus de bénéfices dans notre société capitaliste. Un élan mondial anti-capitaliste se dresse à Seattle en 1999 lors d’un forum économique. Bilan ? Des boutiques de grandes marques sont saccagés afin de faire comprendre le refus de continuer à consommer docilement des produits qui ne répondent pas à des normes éthiques et professionnelles.
L’ennemi public numéro 1 était et reste Nike. Et l’ami ? La sandale de cuir, illustration d’un retour aux sources, loin des grandes marques et plus proche d’un artisanat de proximité, d’un mode de vie plus naturel, plus humble. Et plus contre-culturel ? Pas forcément car la sandale possède un passé iconographique religieux avec les pèlerins (tout comme les rangers des jeunes curés en soutane à Saint-Nicolas-du-Chardonnet, lieu occupé illégalement par les intégristes depuis trente ans, mais c’est une toute autre histoire). L’autre ami est la pompe alternative avec les street-shoes qu’on utilise pour certains sports extrêmes comme le skate, outil de déplacement plus maniable que la 4x4, capable d’investir n’importe quel champ d’action depuis la piscine californienne en passant par les caniveau. Il en va du même du vélo cross avec les ballades en pleine forêt, les courses d’obstacles et l’occupation de la zone-reine de la voiture, la route. Désormais, il s’agit d’occuper tous les lieux disponibles pour montrer que la liberté peut se trouver avec un moyen de locomotion absorbant sans broncher tous les chemins que ne peut emprunter l’auto des parents. Echec des parents. Réussite (partielle ?) des enfants qui prennent le relais en politique avec l’adoption des idées de gauche délaissées par des adultes pour la plupart ex-hippies consummés par le désir matérialiste d’obtenir toujours et encore plus afin de satisfaire les appétits du capitalisme. Au final, l’exemple de la paire et pompes et la voiture sont parties comme des objets rebelles avant de devenir de produits de consommation courant.
Doit-on fuir le monde urbain pour se réfugier au sein de dame nature comme bon nombre d’artisans dans le Larzac ou dans les bourgs montagnards ? Non. Quoi faire alors ? Prendre conscience de ce mal qu’est le désir et l’assimiler pour mieux l’éviter. Facile à dire, hein ? Pour le cas pratique, on repassera car l’entreprise est périlleuse pour nous, homo virtuens englués dans une civilisation des loisirs toujours plus diversifiée et spectaculaire. Il s’agirait donc de chercher au plus profond de nos êtres nos sources de plaisirs personnelles et s’éloigner des besoins imposés par le système et que nous croyions utiles et nécessaires pour survivre ou se faire une place en société. Créer ses propres produits de substitution, voilà une des idées clés de l’alter-mondialisme, et par là même une idée approuvée par l’extrême-gauche.
C’est bien beau tout ça, mais ça marche vraiment ? Oui et non.
Non = Rejeter en bloc TOUT ce que nous enseigne et nous fournit la société, c’est quand même franchement utopique, non ? Se libérer de tout ça demanderait des décennies de réflexions avant de passer au stade pratique. Et nous n’avons qu’une vie.
Oui = l’éveil peut se faire sous différents voies : art contemporain (exemple : l’expo bacchanale à Beaubourg l’an dernier et son art iconoclaste), un geste de protestation (une journée sans achat) ou une mode (le piercing au bureau, la goût à la mélancolie).
A défaut de modifier l’intégralité du système, il reste le réveil local dissonant pour retirer la prise péritel de nos cerveaux. Il suffit donc de résister. Résister à l’encouragement aux multinationales en achetant leurs produits ou voyant leurs spectacles. Résister aux messages subliminaux des publicités qu’ils faut détruire. L’Internet est justement le moyen de résistance le plus fiable du moment. On peut y lire des avis provenant d’ailleurs que des grandes sources médiatiques, on peut acheter des objets fabriqués par des associations, etc… .
Maintenant la question : pourquoi ces decénnies de rebéllion et d’idéaux d’extrême-gauche ont foiré ? Parce qu’elles deviennent productives pour les masses. Si l’on suit la théorie, le système ordonne le plaisir. Elle fait de la répression et conditionne le plaisir, un état d’esprit à la base délirant, enjoué, anarchique. Il faut donc contrôler tout ça, à commencer par les travailleurs. Travailleurs, travailleuse, on vous ment, on vous spolie ? Pas grave, on a de quoi vous aider à être heureux en achetant nos besoins que vous manufacturez. Certes, toute cette opération se fait sur le dos de la promotion outrancière et de la névrose (tout avoir, tout désirer sans attendre !).
C’est pas bien, ça. Bon eh bien on n’a qu’à se réapproprier notre capacité de plaisir si spontané, si irréfléchie par l’intermédiaire des drogues ou la perversité polymorphe. La seule doctrine révolutionnaire valable serait donc l’hédonisme.
D's©