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Tiens, une autre lecture relativement récente, Bruno Patino et son "Submersion" (submergé par l'information).
J'avais hésité parce que bon, les livres sur "les réseaux sociaux c'est le mal bla bla", ça me fatigue.

Mais il y a quelques passages vraiment intéressants ou drôles :

Sur le problème de vivre en "mode automatique", constamment "SIRIsé" :

"La possibilité de la rencontre, la poésie de l'inattendu, la grâce du hasard transforment nos parcours.
La vie vaut par la déviation que l'imprévu provoque sur le cours normal des choses.
Le calcul de ses algorithmes nous impose des rails, nous rend prévisible.
Nous grandissons grâce à l'imprévisible.
Nous devons aussi pouvoir chercher quelque chose que jamais nous ne trouverons : cela nous permet de trouver ce que l'on ne cherchait pas."

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J'avoue avoir bien ri sur David Vincent et les Envahisseurs,

Sur le fait que si le héros avait eu Waze, il ne se serait jamais perdu, et donc il n'y aurait jamais eu de série.
(ce qui n'eut peut-être pas été un mal, en l'espèce ^^)
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L'IA telle qu'elle existe est probablement adaptée pour certaines opérations. On va dire des choses standardisées pour lesquelles on a pu construire des bases de données derrière. Ce qui est terriblement problématique c'est que certains voient l'IA comme une solution à plein de problématiques. Par exemple, en alimentant la basse de données en jugements, on va lui faire rendre la justice car on a pas assez de magistrats (en oubliant au passage l'instabilité permanente du droit, les marges d'interprétation, les échanges qui se sont tenus en audience et qui n'apparaissent pas dans le jugement final...) La justice des machines n'est pas la justice humaine…

Je pense qu'il y a aussi une part d'aveuglement (classique face à une nouvelle technologie) et qu'il faudra quelques naufrages dans ses applications pour que les limites soient identifiées et prises en compte.
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Concernant Manu', je pense que dans les chancelleries on en rigole: le petit frenchie, les deux pieds dans la merde, qui n'a pas vu venir le coup russe au Sahel pour liquider un beau morceau de la Françafrique, mais qui se permet d'avoir des idées pour ses alliés et qui oublie de leur en parler avant. Cette sortie, c'est comme les prix planchers pour les agriculteurs, c'est du vent, car envoyer ouvertement et officiellement des troupes (combattantes ou pas, peu importe) en Ukraine revient à déclarer la guerre à la Russie. Les commandos de forces spéciales sous couverture et autres instructeurs "privés", c'est évident qu'il y en a déjà. Le fait que les USA et de nombreux autres membres de l'OTAN aient jugé utile de préciser qu'il n'était pas question d'une intervention montre bien qu'ils avaient compris la chose de la même manière qu'une bonne partie de la population française.

Dans la guerre en Ukraine, il y a de la propagande des deux côtés. Et l'une des fictions occidentales est de dire que Poutine est seul. Or c'est faux. L'oligarchie russe est derrière lui, l'armée le soutient, le KGB est là aussi… et ce n'est pas par peur de Poutine, c'est par intérêt. Je ne dis pas que c'est un bloc, qu'il n'y a pas une part de pouvoir solitaire, mais tant que l'oligarchie, dans sa majorité y trouve son intérêt, elle soutiendra cette guerre et Poutine. Si un jour (par exemple pour se refaire une virginité au moment de négocier une paix, ou si une révolte populaire monte fort), une partie suffisamment importante de cette oligarchie décide de lâcher Poutine, il aura rapidement un accident de train/d'avion/de bateau, une explosion de gaz ou autre.

Après, l'autre mensonge est de croire que la Russie va avaler l'Europe (ah, l'image du bolchevique le couteau entre les dents…). La guerre actuelle démontre déjà à l'oligarchie russe la faiblesse de l'armée, puisqu'elle est incapable de reconquérir sa "zone d'influence naturelle". Après, cela n'empêche pas des manœuvres de manipulation de l'opinion, d'achat des élites, mais là on est dans une stratégie d'influence agressive, pas de conquête militaire avec occupation qui pour le coup nécessiterait des moyens colossaux.

Ce qui se passe en Ukraine, je le lis comme un conflit entre impérialismes. J'ai tendance à penser qu'au début de la guerre on était sur une guerre entre la Russie défendant sa zone d'influence et les USA, par procuration des Ukrainiens, tentant d'agrandir la leur. Si la Russie a probablement attaqué pour son propre compte, j'ai tendance à penser que depuis des mois on est dans une guerre par procuration entre la Chine et les USA. Oh, bien sûr la Chine est officiellement "neutre" (tout comme les USA ne sont pas en guerre dans ce conflit), mais leur position permet de gagner dans tous les cas de figure:
  • La Russie gagne et conquiert l'Ukraine en partie ou en totalité. De toute manière ses industries, ses finances et sa population sortiront rincées de cette affaire. La Russie, même gagnante, n'aura pas d'autre choix que de vendre toujours plus de ses matières premières à son voisin pour ramener des devises et pouvoir importer des produits manufacturés. Toutefois, dans cette option, la Chine évitera d'avoir des revendications trop grandes (probablement pas de remise en cause des frontières de la Russie, ni de traité trop ouvertement léonin)
  • La Russie perd. Là aussi pas d'autre choix pour la Russie de transiger avec la Chine. Dans un premier temps, ça sera peut-être la vente des matières premières, mais de toute évidence, la Russie pourra tirer un trait sur tout son glacis d'Asie centrale (déjà bien grignoté économiquement par la Chine d'ailleurs) et potentiellement sur une partie de son extrême orient... ou alors carrément un traité "d'amitié" aboutissant de fait à une tutelle chinoise

Après, sur un plan géostratégique plus global, de mon point de vue, les USA n'ont jamais été aussi affaiblis depuis la seconde guerre mondiale et ne sont plus complètement en capacité de faire régner la "pax americana". Après la guerre en Irak, de combien de "théâtres d'opérations" ont-ils dû se retirer plus ou moins piteusement? Ça les USA, tout comme les autres impérialismes l'ont parfaitement intégré. Les USA considèrent que leur vrai concurrent est la Chine (belle ironie, puisqu'ils ont largement contribué au développement de son économie, non par altruisme, mais par pur appât du gain.) Ils considèrent que l'Europe leur est acquise (à la louche) et ne pactisera (globalement) pas avec la Chine. Donc ils considèrent que l'Europe leur restera acquise de manière certaine pour de nombreuses années… dès lors, pourquoi s'épuiser à y stationner des troupes alors qu'ils anticipent une guerre (au moins économique) avec la Chine où ils devront jeter toutes leurs forces. Trump le dit juste plus brutalement et ouvertement que Biden, mais c'est ce qui se met en place.
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Citation
- enfermer notre horizon dans le champ de l'IA et perdre ce qui fait notre force (notre imagination).
Par exemple, si l'IA peut produire à la chaîne à un coût imbattable des scénarii de films, des livres, des discours... on va se retrouver enfermés dans une "bulle". On va se recroqueviller, se rapetisser, se réduire, et là, pour le coup, vraiment s'abrutir.
Le fait est qu'on y est déjà, c'est exactement ce que font les algorithmes des réseaux sociaux, des sites de streaming, etc. Nous sommes déjà en voie d'enfermement dans notre bulle individuelle bien confortable, abreuvés H24 par notre biais de confirmation que les algorithmes caressent consciencieusement dans le sens du poil. Ce que tu décris est l'étape suivante qui a déjà commencé : franchement, quand je vois la production Netflix, je me dis qu'il ne sert plus à rien de payer des scénaristes, d'ailleurs si ça se trouve, il n'y en a peut-être déjà plus : les séries sont toutes montées sur le même modèle, obéissent toutes au même cahier des charges. Une IA convenablement entraînée est capable de pondre un scénario Netflix sans aucune difficulté.

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Il n'est pas question de tomber sous le charme du narratif russe, mais simplement d'essayer d'être "froid".
Tu parles de propagande, de surveillance... je rappelle que ce n'est pas Poutine qui surveillait le téléphone d'Angela Merkel.
Financement de partis... on peut se rappeler de la scission FO-CGT financée par les US.
J'ai l'impression qu'on découvre l'eau tiède.

On peut tout à fait s'interroger sur le bellicisme de Gluksmann sans forcément se faire taxer d'agent du Kremlin.

"Même si, à titre personnel, imaginer la tête de Scholz après avoir entendu ça m'a fait beaucoup rire."

=> :mdr:
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Oui, mais tu parles d'une guerre "risk", comme le sous entend MCL, Macron ne l'a jamais sous entendu ainsi et aucun analyste militaire sérieux imagine Macron penser à projeter les 200 leclercs, 4 sous marins, le Charles de Gaulle, les 60 caesars, 100 rafales et 50000h au combat vers la Volga.
Par contre, la réalité brutale du conflit, et l'absence totale de bon sens de la part de l'Etat russe nous incite à se poser une question simple :
Si la Russie gagne on fait quoi ? Si elle atteint le Dniepr ? On laisse faire ? Ce sont pas nos ognons car la Russie s'occupe de sa sphère d'influence ? On se laisse bercer par la propagande qui  explique que célafoteàlotan la Russie a peur et se protège et tant pis ?

Considérant les tentatives de destabilisation via piratage, corruption de nos "élites", financements de partis, ferme à trolls qui font passer les trolls tocards de la lfi pour des lutins farceurs... Elle est  deja dans la confrontation voire l'hostilité et menace clairement les marges de l'Europe.
La position des US, il va falloir s'en extraire  surtout si ces benêts de rednecks refont du MAGA.

Et à ce sujet  donc, Macron a du sens.

Après, il n'aurait pas du sortir ça... Même si, à titre personnel, imaginer la tête de Scholz après avoir entendu ça m'a fait beaucoup rire.
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Le second livre est de Nicolas Mathieu (j'en ai déjà parlé avec Connemara), "le ciel ouvert".
Un petit livre qui est un recueil de posts instagram de l'auteur dans lesquels il s'est manifestement épanché sur une histoire d'adultère.

Un aperçu :

(cliquez pour montrer/cacher)
"La vérité, c'est qu'il n'y a pas de temps retrouvé, cette lubie d'hypokhâgne, ni de résurrection possible.
Tous les livres sont des nécropoles.
Aucune phrase, aucune épithète ne me rendra cette nuit de Berlin, nos après-midi cachottiers, les douches de Baden ni l'accablant bonheur de ton cul entre mes mains

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"Les réseaux remplissaient pour tout le monde cet emploi de faux-monnayeur. Chaque tweet avait son arrière-cour. Chaque paysage portait en lui la déception d'un hors-champ" 

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Tu trouvais mon regard stupide et fixe.
Je faisais provision de toi. Je t'emportais en détail. Je goûtais cette plaie qui est de te savoir perdue d'avance.

(cliquez pour montrer/cacher)
Et ce n'est pas une révolution, l'adultère, vivre vite et s'enchaîner l'un à l'autre deux heures occultes avant de retrouver le fleuve des voitures et des équations sans inconnues"

"équations sans inconnues", n'est-ce pas ce monde que tentent de nous proposer Musk & cie ?
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Allez, deux petits livres sur l'amour vraiment sympas.

Le premier de Begaudeau intitulé "l'amour", :

"François Bégaudeau a "voulu raconter l'amour tel qu'il est vécu la plupart du temps par la plupart des gens, sans crise ni événements, au gré de la vie qui passe, des printemps qui reviennent et repartent dans la mélancolie des choses". Jeanne et Jacques vont vivre 50 ans côte à côte. 50 ans, rythmés par les émissions d'Europe 1, les chansons de Richard Cocciante, le catalogue de La Redoute, France Dimanche."

=> Un vrai petit chef d'oeuvre de même pas 100 pages.
Des passages super beaux, super touchants...
Tiens, voilà comment Begaudeau amène la scène du premier baiser, tout en finesse, en discrétion :

(cliquez pour montrer/cacher)
"Joueuse, elle libère une manche pour qu'il y glisse son bras, ça les met dans une posture rigolote, ils en rajoutent exprès.
Boule [le chien] a mis du temps à remonter la balle échouée dans un fossé. Il la recrache aux pieds de son maître et attend la suite des opérations.
La balle reste inerte.
Boule grogne d'impatience.
Jacques décolle ses lèvres de celles de Jeanne pour lui dire de la fermer.
Il ramasse la balle et la lance aussi loin que possible.

Ou alors la scène où le vieux chien arrive sur sa fin, qui montre bien le style de l'auteur sans "pathos", mais pas sans émotions.

(cliquez pour montrer/cacher)
"On le retrouve qui dort dans un coin ombragé car même le soleil le peine.
Quand on le siffle pour repartir, il se remet sur pattes à contrecœur, comme un vieillard à l'orée d'une nouvelle journée de trop.
Un jour on le siffle et il ne se redresse pas

Bref, un petit bijou de tendresse sur un couple finalement... comme beaucoup d'autres.

"En amour comme dans la vie en général, on fait ce qu'on peut". Ca résume bien ce livre.
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Sur le plan militaire, la guerre en Ukraine a rappelé cruellement qu'une guerre à haute intensité, c'est d'abord de la masse : d'hommes, de munitions... et que le principal défaut des hautes technologies était la difficulté à en produire en masse.

A titre d'info, la France est toute fière de produire 30000 obus par an, là où la Russie devrait arriver à en produire 3 millions.
Ca calme.

Tiens, pour comprendre pourquoi la France n'est aujourd'hui pas du tout taillée pour un conflit comme en Ukraine :

"L'armée ukrainienne « tire entre 5000 et 8000 tirs (d'obus de 155 mm) quotidiennement alors que la Russie tire entre 10.000 et 15.000 coups »,"

=> Les 30 000 obus produit par la France en une année, ça fait même pas une semaine en Ukraine.
Et ce n'est pas un "pro-russe" qui le dit, mais Michel Goya.

Une fois qu'on a dit cela, il est clair que la Russie sortira du conflit affaiblie, mais surtout vis à vis de la Chine et de la Turquie.

Car c'est vraiment pas sûr que l'UE survive au déchirement européen qui se prépare : le modèle économique allemand est complètement déstabilisé par le conflit avec la Russie.

Si vous avez du temps, un article long mais passionnant sur le "grand échiquier" : https://www.revolutionpermanente.fr/Le-nouveau-desordre-mondial-et-les-tendances-a-la-guerre
(oui, c'est un site pas trop macroniste, mais c'est plus argumenté qu'un discours de Bruno Le Maire)

Ce qui m'agace dans le débat actuel avec les bébés BHL comme Glucksmann,  c'est le refus (ou l'incapacité) à faire un grand zoom arrière pour avoir une vision globale du problème et cette volonté de foncer tête baissée dans la guerre.

 (et je passe sur l' "ambiguïté stratégique" de Macron, on parle du gars qui incitait les français quelques jours avant le confinement d'aller au théâtre... dans le genre visionnaire... c'est un champion. Avec un général pareil, moi je déserte)