Bon, puisque Battou a poste son avis (j'attendais celui de la Rhadasse en premier), je m'en vais donner le mien qui est sensiblement different.
Je titrerais volontiers : Requiem for a dream.
Alors que Burton est enfin reconnu comme un vrai cineaste par la critique, ce qui faisait sa patte tend malheureusement a disparaitre. En parallele, la presse l'encense un peu plus a chaque fois, alors que ses films se standardisent (un rapport de cause a effet?). Ou est donc passee la folie de Batman Returns? La virtuosite de Sleepy Hollow? L'enchantement de l'Etrange Noel ou d'Edward? Ils sont morts et enterres, comme le prouve ce Sweeney Todd, monstrueux dernier-ne de papa Tim.
Commencons par les themes utilises.
Un univers noir bien sur, au sens propre. Tout est en tons de gris, de noir et de blanc. Pour mieux faire ressortir le rouge du sang, en litres! Amateur d'hemoglobine, le "la" est donne des le generique, vous serez servi en effusions.
En contrepoint de tout cela, nous avons la scene, enchanteresse, ou Mrs Lovett part en pique-nique avec son petit monde (quelques couleurs delavees), et se met a rever du futur (franches couleurs acidulees, reminiscence de Charlie). Helas, cette scene constitue seulement un reve (avec un Sweeney quasi-autiste malgre la joie ambiante, nous rappelant les precedents heros de Burton), et la realite est bien plus proche du cauchemar.
Le conte de fee? Bien evidemment, nous y avons droit! Une histoire d'amour inattendue, l'amour qui triomphe de tout, les references a Hansel et Gretel (ah, le maquillage de sorciere d'Helena, ses petits pains a la viande, et son four...) ne manquent pas, sans compter un soupcon de Raiponce (la jeune fille a la fenetre, enfermee, et a la longue chevelure doree, qui servira de "fil directeur") et d'autres encore.
L'enfance? Bien sur. Une fois encore, nous avons un etre meurtri, mal adapte. Mais, au lieu de rester une eternelle victime, Johnny Depp devient l'enfant terrible, vengeur, qui part en guerre contre le monde entier, a l'aide de ses precieux "jouets" (car sans eux, il n'est rien). L'etape suivante de deshumanisation, compare aux petits diables dans Charlie. Or, la vie n'est pas un jeu, et le reveil sera brutal. Creant au passage (au moins) un nouveau monstre.
Les idees sont interessantes en diable, il faut bien le dire. Le traitement visuel est parfois somptueux (ah, la scene du miroir casse... Ou seuls Helena et Sweeney se refleteront jamais, apparaissant morcelles, monstrueux au sens premier du terme. Sans compter que les fissures du miroir ont la forme... d'une toile d'araignee. Cruelle metaphore de ce qu'est veritablement leur echoppe).
Helas, trois fois helas, cela ne sauve pas le film de trop nombreux defauts. Le premier, et non des moindes pour une comedie musicale, est la pauvrete des musiques. N'est pas Elfman qui veut, et les melodies sont tout sauf entrainantes. Un comble pour un film du genre. Surtout que lesdites "chansons" occupent TOUT le film (tres peu de dialogues entre chaque). Je ne parlerai pas de fluidification, mais bien d'engorgement dans le cas present! Ensuite, si Helena Bonham confirme son talent d'actrice et de chanteuse (quelle voix! Mais Corpse Bride le laissait presager), ce n'est pas le cas de Johnny Depp. Il chante juste, il fait de son mieux, mais quand meme. Chanteur, ca ne s'improvise pas.
La complaisance pour le gore chez Burton semble s'affirmer. S'il l'utilisait avec brio dans Sleepy Hollow, alternant scenes suggerees et gros plans chirurgicaux, il est loin de faire dans la dentelle cette fois-ci. Ah, precipiter ses victimes au fond de la cuisine infernale, voila un plan qui semble plaire particulierement au realisateur, sans apporter grand chose. De meme, que de plans sur les visages! Cela en devient pratiquement lassant, et nuit a la creation d'une ambiance adequate (meme si cela permet de saisir l'ampleur du talent de Depp).
L'histoire elle-meme est absolument invraissemblable, mais heureusement pas trop moralisatrice. Burton souffrirait donc d'une limite severe a son talent, a savoir le choix des histoires qu'il va recycler? Il avait violemment trebuche avec La Planete des Singes, souffert d'une narration trop rapide pour Corpse Bride, n'avait pas completement su transcender la pauvrete scenaristique de Charlie. Une nouvelle fois, on le sent embourbe dans son sujet, ce qui n'empeche pas des fulgurances visuelles comme celles evoquees ci-dessus.
Cote acteurs toutefois, c'est le bonheur. Depp/Bonham sont fabuleux, Alan Rickman (coucou Urumi! :coucou:) genial, et les seconds roles sont tout a fait savoureux, a l'instar de Sacha Baron Cohen (Borat) en faux barbier italien, et Timothy Spall (Peter Pettigrew/Wormtail) en obsequieux serviteur du Juge. Un mauvais point toutefois pour Jamie Campbell Power, le jeune Anthony, qui est aussi peu avenant qu'il chante mal (sans parler de ses discutables talents d'acteur).
Au final donc, une reelle deception. Le talent de Burton s'est enlise dans une histoire abracadabrante, ou le surnaturel qu'il manie avec brio laisse place a une horreur bien reelle et qu'il n'arrive pas a transcender. Le tout, helas, servi par une bande-son qui est tout sauf sympathique.