L'économiste Patrick Artus renvoie M. Sarkozy et Mme Royal à leur copie
Comment définiriez-vous le programme de Ségolène Royal?
Le pacte présidentiel de Mme Royal est surprenant. La candidate commence par dire que, pour relancer la croissance, il faut stimuler la création d'entreprises ou encore soutenir les petites et moyennes entreprises (PME) et accroître l'efficacité de la dépense publique. On ne peut que souscrire à cette idée, mais rien n'est fait en ce sens dans son programme. Il comporte quelques bonnes mesures, comme l'idée de réserver une part des marchés publics aux PME, de favoriser le cumul emploi-revenu d'inactivité ou de créer un service public de caution, mais il avance aussi des mesures infaisables ou dangereuses, et comporte des trous béants sur la fiscalité, le vieillissement et la protection sociale.
Que vous inspirent ses propositions salariales ?
Le smic à 1500 euros va alourdir de 25 % le coût du travail peu qualifié. Les entreprises préféreront licencier, et nous aurons plusieurs centaines de milliers de chômeurs supplémentaires en deux ans. Plus d'une centaine d'études micro-économiques ont établi que la hausse du smic détruit des emplois non qualifiés. Les ignorer est scandaleux. Quant à l'idée d'une conférence annuelle sur les salaires, qui date des années 1960, c'est précisément ce qu'il ne faut pas faire. Comment voulez-vous mettre autour de la même table de négociations, l'automobile qui se meurt et les entreprises pétrolières qui ne savent pas que faire de leur argent ? Le bon niveau de négociation, c'est la branche.
Faut-il conditionner les aides publiques à l'engagement de ne pas licencier?
C'est le type même de mesure qui vise les grands groupes, mais sera sans effet sur eux, et risque de se retourner contre les PME qui ne peuvent pas gérer la localisation de leurs profits, de leurs capacités. La proposition de faire du contrat à durée indéterminée (CDI) la règle risque d'avoir le même effet.
D'une manière générale, certaines des propositions de Mme Royal entrent dans la catégorie du "généreux mais pas possible", par exemple, la revalorisation des petites retraites, sauf à dire qu'on la financera en allongeant la durée de travail et de cotisation des fonctionnaires, et d'autres témoignent d'une méconnaissance des dossiers. Proposer la création de 120000 logements sociaux par an grâce à une incitation au livret A n'a pas de sens. La Caisse des dépôts a un excès de ressources par rapport aux possibilités de construction de logements sociaux. Le problème, c'est le foncier. Quant à la notion de "logement vacant spéculatif", je ne sais pas ce que c'est…
Et comment résumeriez-vous le programme de son principal adversaire?
Il se résume en une phrase : "Je donne du pouvoir d'achat" . Mais Nicolas Sarkozy le fait en multipliant les exonérations fiscales au risque de gâcher l'argent public ou de créer des distorsions néfastes à la croissance et à son renforcement. Il comporte des mesures intéressantes, mais part un peu dans tous les sens sur le terrain fiscal, laisse de côté le problème de la fiscalité personnelle du chef d'entreprise ou des seuils sociaux, pourtant central dans les PME.
L'exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires est-elle de nature à favoriser l'emploi ?
De nombreux secteurs connaissent des difficultés de recrutement. L'ANPE recense 500 000 offres d'emploi non satisfaites. Une enquête du Medef auprès des PME montre que leur difficulté principale sur le chemin de la croissance, c'est le recrutement. Pour ces entreprises, la libéralisation des heures supplémentaires est une excellente chose. Mais pour celles qui recrutent sans difficulté, exonérer les heures supplémentaires de charges et d'impôt revient à privilégier les insiders, les salariés en place. On s'intéresse plus au salaire de ceux qui ont un emploi qu'à l'emploi de ceux qui n'en ont pas.
Que pensez-vous de la quasi-suppression des droits de succession ?
Cette mesure à 5 milliards d'euros n'est pas cohérente avec la volonté de revaloriser le travail. Il faut au contraire maintenir la taxation des successions et réduire l'imposition du travail. Quant au bouclier fiscal à 50 %, pourquoi pas! A condition d'être conscient que c'est une usine à gaz pour ne pas supprimer l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) qui coûte deux fois en TVA non perçue ce qu'il rapporte.
Les deux programmes comportent-ils des lacunes communes ?
Aucun des deux ne s'intéresse sérieusement à l'université ou à l'école. 100 000 jeunes quittent l'université sans diplôme et 100000 autres en sortent avec un diplôme qui ne permet pas de trouver un emploi. C'est une proportion énorme, plus de 40 % des entrants à l'université. Qui dénonce ce massacre ? Qui parle du contenu de l'enseignement au collège et au lycée ? Qui aborde la question de l'évaluation des enseignants ou celle de l'organisation de la recherche ? Personne.
Comment définiriez-vous le programme de Ségolène Royal?
Le pacte présidentiel de Mme Royal est surprenant. La candidate commence par dire que, pour relancer la croissance, il faut stimuler la création d'entreprises ou encore soutenir les petites et moyennes entreprises (PME) et accroître l'efficacité de la dépense publique. On ne peut que souscrire à cette idée, mais rien n'est fait en ce sens dans son programme. Il comporte quelques bonnes mesures, comme l'idée de réserver une part des marchés publics aux PME, de favoriser le cumul emploi-revenu d'inactivité ou de créer un service public de caution, mais il avance aussi des mesures infaisables ou dangereuses, et comporte des trous béants sur la fiscalité, le vieillissement et la protection sociale.
Que vous inspirent ses propositions salariales ?
Le smic à 1500 euros va alourdir de 25 % le coût du travail peu qualifié. Les entreprises préféreront licencier, et nous aurons plusieurs centaines de milliers de chômeurs supplémentaires en deux ans. Plus d'une centaine d'études micro-économiques ont établi que la hausse du smic détruit des emplois non qualifiés. Les ignorer est scandaleux. Quant à l'idée d'une conférence annuelle sur les salaires, qui date des années 1960, c'est précisément ce qu'il ne faut pas faire. Comment voulez-vous mettre autour de la même table de négociations, l'automobile qui se meurt et les entreprises pétrolières qui ne savent pas que faire de leur argent ? Le bon niveau de négociation, c'est la branche.
Faut-il conditionner les aides publiques à l'engagement de ne pas licencier?
C'est le type même de mesure qui vise les grands groupes, mais sera sans effet sur eux, et risque de se retourner contre les PME qui ne peuvent pas gérer la localisation de leurs profits, de leurs capacités. La proposition de faire du contrat à durée indéterminée (CDI) la règle risque d'avoir le même effet.
D'une manière générale, certaines des propositions de Mme Royal entrent dans la catégorie du "généreux mais pas possible", par exemple, la revalorisation des petites retraites, sauf à dire qu'on la financera en allongeant la durée de travail et de cotisation des fonctionnaires, et d'autres témoignent d'une méconnaissance des dossiers. Proposer la création de 120000 logements sociaux par an grâce à une incitation au livret A n'a pas de sens. La Caisse des dépôts a un excès de ressources par rapport aux possibilités de construction de logements sociaux. Le problème, c'est le foncier. Quant à la notion de "logement vacant spéculatif", je ne sais pas ce que c'est…
Et comment résumeriez-vous le programme de son principal adversaire?
Il se résume en une phrase : "Je donne du pouvoir d'achat" . Mais Nicolas Sarkozy le fait en multipliant les exonérations fiscales au risque de gâcher l'argent public ou de créer des distorsions néfastes à la croissance et à son renforcement. Il comporte des mesures intéressantes, mais part un peu dans tous les sens sur le terrain fiscal, laisse de côté le problème de la fiscalité personnelle du chef d'entreprise ou des seuils sociaux, pourtant central dans les PME.
L'exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires est-elle de nature à favoriser l'emploi ?
De nombreux secteurs connaissent des difficultés de recrutement. L'ANPE recense 500 000 offres d'emploi non satisfaites. Une enquête du Medef auprès des PME montre que leur difficulté principale sur le chemin de la croissance, c'est le recrutement. Pour ces entreprises, la libéralisation des heures supplémentaires est une excellente chose. Mais pour celles qui recrutent sans difficulté, exonérer les heures supplémentaires de charges et d'impôt revient à privilégier les insiders, les salariés en place. On s'intéresse plus au salaire de ceux qui ont un emploi qu'à l'emploi de ceux qui n'en ont pas.
Que pensez-vous de la quasi-suppression des droits de succession ?
Cette mesure à 5 milliards d'euros n'est pas cohérente avec la volonté de revaloriser le travail. Il faut au contraire maintenir la taxation des successions et réduire l'imposition du travail. Quant au bouclier fiscal à 50 %, pourquoi pas! A condition d'être conscient que c'est une usine à gaz pour ne pas supprimer l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) qui coûte deux fois en TVA non perçue ce qu'il rapporte.
Les deux programmes comportent-ils des lacunes communes ?
Aucun des deux ne s'intéresse sérieusement à l'université ou à l'école. 100 000 jeunes quittent l'université sans diplôme et 100000 autres en sortent avec un diplôme qui ne permet pas de trouver un emploi. C'est une proportion énorme, plus de 40 % des entrants à l'université. Qui dénonce ce massacre ? Qui parle du contenu de l'enseignement au collège et au lycée ? Qui aborde la question de l'évaluation des enseignants ou celle de l'organisation de la recherche ? Personne.