Premier bilan carbone d'une ligne à grande vitesseLE MONDE | 13.10.09 | 17h27 • Mis à jour le 13.10.09 | 17h27
Besançon Correspondant
Depuis 2006, année du lancement de l'éco-comparateur du site voyages-sncf.com, chaque client de ce voyagiste en ligne peut, lors de sa réservation, connaître l'empreinte carbone de son déplacement. Il peut même comparer les émissions de CO2 générées par son déplacement en train avec celles du même parcours effectué en voiture.
Mais jamais le "bilan carbone" global d'une ligne de train à grande vitesse - de sa conception à son exploitation - n'avait été établi. C'est donc une "grande première mondiale" qui a été présentée, fin septembre à Besançon, par la SNCF, Réseau ferré de France (RFF) et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). L'étude portait sur la première tranche de la ligne à grande vitesse (LGV) Rhin-Rhône. Elle conclut que ce segment générera 1,9 million de tonnes d'émissions de gaz à effet de serre d'ici 2041.
Sur ce total, 53 % seront issus de la seule énergie nécessaire à la traction des trains, alors que 42 % proviendront des travaux de construction de la ligne. Essentiellement de "l'emploi, durant trois ans, de 250 000 tonnes de chaux vive utilisée comme liant hydraulique" pour densifier, en contribuant à les assécher, les sols et remblais destinés à accueillir les rails, indique Antoine Hantz, chargé de mission à RFF. L'empreinte carbone du projet devrait devenir nulle dès sa douzième année d'exploitation, affirment les experts. La LGV serait ainsi "positive" en termes de bilan CO2 dès 2024.
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Courageux"
Etablir le premier bilan carbone d'une ligne ferroviaire jusqu'au terme de sa trentième année d'exploitation - maintenance des matériels roulants et des autres équipements comprise - était "courageux", assure Mireille Faugère, directrice voyages à la SNCF. L'initiative s'inscrit dans le cadre de l'engagement de la France de réduire de 20 % ses rejets de CO2 d'ici 2020.
La démarche s'est révélée complexe et ses conclusions restent empreintes "d'incertitudes", admet Virginie Schwarz, de l'Ademe. Son résultat permettra cependant "d'améliorer les pratiques futures des opérateurs", estime Véronique Vallon, de RFF, qui a rappelé que l'Etat français avait prévu de lancer la construction de deux mille kilomètres de lignes à grande vitesse supplémentaires.
L'étude a donc porté sur la première tranche de travaux de la branche est de la LGV Rhin-Rhône. Soit 140 kilomètres de ligne nouvelle en cours de construction depuis 2006 entre Petit-Croix (territoire de Belfort) et Auxonne (Côte-d'Or). Le chantier inclut quatre raccordements au réseau classique existant et la construction de treize viaducs, d'un tunnel et de deux gares LGV à Auxon-Dessus (près de Besançon) et à Méroux-Moval (entre Belfort et Montbéliard). Les gains de temps obtenus - près d'une heure entre Strasbourg et Lyon, par exemple - permettent d'espérer une fréquentation annuelle de l'ordre de 12 millions d'usagers, dont 10 % renonceraient à l'avion ou à l'automobile au profit du rail.
L'originalité de cette LGV, a rappelé Xavier Gruz, directeur opérationnel de RFF, est qu'elle sera la première à ne pas passer par Paris, bien qu'elle en améliore de façon significative la desserte. Sa vocation est de relier l'Europe du Nord à celle du Sud et de désenclaver au passage l'arc jurassien suisse.
Des limitesLe bilan carbone de la tranche étudiée s'est fondé à la fois sur les données fournies par l'Ademe et sur les projections élaborées pour l'occasion par des cabinets d'experts. "Le regard porté sur le projet a été le plus large possible, insiste Virginie Schwarz, de l'Ademe. On a pris en compte l'ensemble des émissions directes de gaz à effet de serre générées par la LGV et des émissions indirectes, de l'extraction des matières premières à la fin de service de l'infrastructure en passant par la fabrication des matériaux. Ces données d'activité ont ensuite été converties en rejets de tonnes équivalents CO2." Un plan d'action sera bientôt établi, afin d'impliquer les constructeurs, les concepteurs et les exploitants ferroviaires dans la recherche et la mise en oeuvre de mesures de nature à réduire ces rejets.
Le bilan dressé a cependant montré ses limites. Celles d'une étude "mono-critère qui ne mesure que les émissions de gaz à effet de serre, mais pas les autres impacts sur l'environnement, en particulier la biodiversité", concède Emmanuel Clochet, directeur opérationnel adjoint à la SNCF. Ses enseignements ne peuvent, dès lors, n'être "qu'une première pierre de l'édifice et un outil parmi d'autres dans l'aide à la décision".
Selon l'Ademe, cette première devrait être bientôt suivie par d'autres études globales, portant sur le transport fluvial - en partenariat avec Voies navigables de France - et le transport routier.
Jean-Pierre Tenoux (avec François Bostnavaron)
Un écocomparateur pour le transport de fretL'une des dernières innovations en matière d'écocomparateur a été lancée début septembre par Voies navigables de France, qui a mis au point, avec l'aide de l'Ademe, un outil baptisé EVE (Ecocalculateur de voie d'eau). Celui-ci permet de comparer, sur un parcours donné, l'impact écologique du transport de marchandises selon le mode de transport choisi (route ou voie d'eau).
EVE prend en compte non seulement les émissions de CO2 et le prix du carburant consommé, mais aussi les effets indirects sur l'environnement. Un convoi fluvial peut consommer jusqu'à quatre fois moins d'énergie et émettre 3,5 fois moins de CO2 qu'un transport par route.
Article paru dans l'édition du 14.10.09