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Re : Re : Faits divers et compagnie
« Réponse #240, le 28 Janvier 2015 à 11:03 »
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Prochain numéro le 4 février. En plus, ça fait bien 3 semaines que je ne reçois plus leur newsletter.
Traitement des attentats par les télévisions et les radios : le Conseil rend ses décisions
Communiqué du jeudi 12 février 2015
Durant les attentats terroristes survenus en France entre le 7 et le 9 janvier 2015, les médias audiovisuels ont assuré l’information du public, remplissant le rôle essentiel qui est le leur.
Conscient des difficultés propres à la couverture d’une telle actualité, le Conseil supérieur de l’audiovisuel avait invité, par une note aux rédactions du 9 janvier, les télévisions et les radios à agir avec le plus grand discernement, notamment en vue de permettre aux forces de l’ordre de remplir leur mission avec toute l’efficacité requise.
A l’issue de ces évènements dramatiques, le Conseil a réuni le 15 janvier les responsables des chaînes de télévisions et des radios pour une réflexion commune.
Parallèlement, dans l’exercice des missions de contrôle qui lui sont confiées par la loi, il s’est assuré du respect des principes et des règles de la communication audiovisuelle par ces médias. Parmi les quelque cinq cents heures de programmes analysées, il a identifié des séquences susceptibles de constituer des manquements, qui ont fait l’objet d’une instruction contradictoire.
Réuni en formation plénière mercredi 11 février, le Conseil a relevé 36 manquements dont 15 ont donné lieu à mise en garde et 21, plus graves, ont justifié des mises en demeure.
Ces décisions portent sur les faits suivants.
- La diffusion d’images issues de la vidéo montrant le policier abattu par les terroristes
Le Conseil a examiné la séquence de l’assassinat du policier Ahmed Merabet par les terroristes, diffusée par la chaîne France 24. Même si l’instant précis de la mort n’a pas été montré, cette séquence faisait entendre les détonations d’arme à feu ainsi que la voix de la victime et exposait son visage et sa situation de détresse. Elle a porté atteinte au respect de la dignité de la personne humaine.
En conséquence, le Conseil a décidé de mettre en demeure la chaîne de respecter ce principe fondamental.
Par ailleurs, il a considéré que la diffusion, sur France 5, de la une d’un journal britannique, le Daily News, montrant l’image du policier à terre, dans une situation de détresse, non floutée, quelques secondes avant d’être abattu, méconnaissait également le respect de la dignité de la personne humaine.
Le Conseil a mis en garde France 5 contre la réitération de ce type de manquement.
- La divulgation d’éléments permettant l’identification des frères Kouachi
Le Conseil a considéré que la divulgation, par i>Télé et LCI, d’informations concernant l’identification de Saïd et Chérif Kouachi, avant la diffusion de l’appel à témoins par la Préfecture de police et ce, en dépit des demandes précises et insistantes du procureur de la République, pouvait leur permettre de comprendre qu’ils avaient été identifiés et qu’ils étaient activement recherchés, ce qui risquait de perturber l’action des autorités.
En conséquence, il a décidé de mettre en demeure ces chaînes de respecter leurs obligations relatives à l’ordre public.
- La divulgation de l’identité d’une personne mise en cause comme étant l’un des terroristes
Le Conseil a considéré qu’en désignant une personne comme étant l’un des terroristes recherchés par les autorités, même en entourant cette information de certaines précautions, les chaînes BFM TV, France 2, i>Télé, LCI et TF1, ont non seulement manqué de mesure dans le traitement de l’enquête, mais encore pris le risque d’alimenter les tensions dans la population à partir d’une allégation qui s’est révélée inexacte.
Il a mis en garde ces cinq chaînes de télévision contre le renouvellement de tels manquements.
- La diffusion d’images ou d’informations concernant le déroulement des opérations en cours, alors que les terroristes étaient encore retranchés à Dammartin-en-Goële et à l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes
Le Conseil a considéré que la diffusion par les chaînes BFM TV, Canal +, Euronews, France 2, France 24, LCI et TF1, d’informations et d’images indiquant notamment le déploiement des forces de l’ordre, le positionnement exact de certaines d’entre elles ou encore la stratégie mise en place, aurait pu être préjudiciable au déroulement des opérations ainsi qu’à la sécurité des otages et des membres des forces de l’ordre, dans la mesure où les terroristes pouvaient y avoir accès.
Le Conseil a mis en garde les télévisions concernées au regard de la nécessaire conciliation entre la sauvegarde de l’ordre public et le respect de la liberté de communication.
- L’annonce que des affrontements contre les terroristes avaient lieu à Dammartin-en-Goële alors qu’Amedy Coulibaly était encore retranché à la Porte de Vincennes
Le Conseil a relevé que BFM TV, Euronews, France 2, France 24, i>Télé, LCI, TF1, Europe 1, France info, France inter, RFI, RMC et RTL, ont annoncé en direct que des affrontements avaient éclaté entre les forces de l’ordre et les terroristes à Dammartin-en-Goële. Il considère que la divulgation de cette information aurait pu avoir des conséquences dramatiques pour les otages de l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes, dans la mesure où Amedy Coulibaly avait déclaré lier leur sort à celui de ses complices de Dammartin-en-Goële.
En conséquence, le Conseil a décidé de mettre en demeure ces télévisions et radios de respecter l’impératif de sauvegarde de l’ordre public.
- La diffusion d’informations concernant la présence de personnes cachées dans les lieux de retranchement des terroristes, alors que les assauts n’avaient pas encore été menés par les forces de l’ordre et qu’un risque pesait donc toujours sur leur vie
Le Conseil a relevé que France 2, TF1 et RMC ont signalé la présence d’une personne qui était parvenue à se cacher dans l’imprimerie où Saïd et Chérif Kouachi s’étaient retranchés. Il constate aussi que BFM TV et LCI ont émis l’hypothèse qu’une ou plusieurs personnes s’étaient réfugiées dans une chambre froide ou dans une réserve du magasin Hyper Cacher où Amedy Coulibaly retenait ses otages.
Le Conseil a considéré que la diffusion de ces informations, à l’heure où les terroristes pouvaient encore agir, était susceptible de menacer gravement la sécurité des personnes retenues dans les lieux.
Il a décidé de mettre en demeure les médias audiovisuels concernés de ne plus renouveler de tels manquements à l’ordre public.
- La diffusion des images de l’assaut mené par les forces de l’ordre dans le magasin Hyper Cacher de la Porte de Vincennes
Le Conseil a examiné la diffusion intégrale, par France 3 et Canal +, d’une vidéo montrant l’assaut mené contre l’Hyper Cacher, y compris les tirs mortels sur le terroriste alors qu’il affrontait les forces de l’ordre. Il a considéré que ces images insistantes, susceptibles de nourrir les tensions et les antagonismes, pouvaient contribuer à troubler l’ordre public.
Il a, en conséquence, mis en garde les chaînes contre le renouvellement d’un tel manquement.
Tirant les enseignements de ces constats, le Conseil se propose d’apporter à la recommandation n° 2013-04 du 20 novembre 2013 relative au traitement des conflits internationaux, des guerres civiles et des actes terroristes par les services de communication audiovisuelle, trois adjonctions concernant le respect de la dignité de la personne humaine, la sauvegarde de l’ordre public et la maîtrise de l’antenne.
Ces propositions de modifications feront l’objet d’une consultation des médias audiovisuels destinataires de la recommandation dans les plus brefs délais.
Contacts presse : Frédérique Bayre / Lucile Mahé des Portes / Clara Martin : 01 40 58 36 29
[email protected]
Couverture des attentats : « Que fait-on ? On met un écran noir ? »
Le Monde | 13.02.2015 à 09h59 • Mis à jour le 13.02.2015 à 13h15 | Par Alexis Delcambre
Personne n’aime se faire taper sur les doigts. Mais les responsables de l’information des radios et télévisions françaises ont réagi avec une rare véhémence aux trente-six mises en garde et mises en demeure notifiées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), jeudi 12 février, sur la couverture médiatique des attaques djihadistes à Paris et Montrouge, début janvier.
« Les décisions du CSA soulèvent des questions majeures pour le droit à l’information dans notre pays, estime ainsi Thierry Thuillier, directeur de l’information de France Télévisions. Je souhaite être reçu par le CSA et demande des explications. »
Tonalité similaire sur l’autre rive de la Seine, à Radio France, qui a fait part, jeudi soir, de « sa surprise et de son étonnement » et « examine toutes les possibilités de recours contre cette sanction ». De fait, les décisions du CSA sont susceptibles d’appel et de recours devant le Conseil d’Etat.
Selon nos informations, une réunion des responsables de l’information des radios et télévisions et d’ores et déjà programmée, mardi 17 février, au siège de TF1, afin d’échanger et d’étudier l’opportunité d’une réponse conjointe.
Principe de précaution contre liberté d’information
La plupart des médias audiovisuels sont concernés, car les notifications du CSA n’ont épargné personne – pas plus qu’elles n’ont ciblé un média en particulier. LCI s’est vu notifier trois mises en demeure ; BFMTV et iTélé deux, comme France 2 et TF1, qui avaient elles aussi fait le choix du direct, ou encore France 24 ; sans oublier Europe 1, France Info et France Inter, RFI, RMC, RTL ou Euronews.
« Le CSA dit en quelque sorte que tous ceux qui ont fait du temps réel ont failli, commente Céline Pigalle, directrice de l’information du groupe Canal+ (propriétaire d’iTélé). Ceux qui ne sont pas sanctionnés [à l’image des médias du groupe M6] sont ceux qui n’ont pas proposé d’édition spéciale pour couvrir ces événements. Quel est le message ? »
Un point concentre plus particulièrement l’ire des médias, d’autant qu’ils se voient tous mis en demeure pour ce motif : avoir annoncé que des affrontements avaient commencé entre forces de l’ordre et terroristes à Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne). « La divulgation de cette information aurait pu avoir des conséquences dramatiques pour les otages de l’Hyper Cacher (…), dans la mesure où Amedy Coulibaly avait déclaré lier leur sort à celui de ses complices de Dammartin-en-Goële », écrit le CSA.
Or, les médias rappellent que le statut de cette « déclaration » du preneur d’otages était incertain et n’avait pas fait l’objet d’une consigne policière explicite. « Si doute il y a, ce que je ne crois pas, il faut appliquer le principe de précaution en raison des vies en jeu », rétorque Nicolas About, membre du groupe de travail du CSA sur le sujet.
Surtout, radios et télévisions jugent ce point « déconnecté de la réalité médiatique », pour reprendre les termes d’un directeur de rédaction. « Ça va devenir compliqué, si on ne peut plus informer en direct, juge Catherine Nayl, directrice de l’information du groupe TF1. Que fait-on ? On met un écran noir ? Des “bips” pour cacher les sons ? » « Il faudrait donc arrêter le direct, imagine Thierry Thuillier. Cela revient à pousser les gens vers les sites d’information – y compris le nôtre – ou les réseaux sociaux qui, eux, ne sont pas régulés par le CSA ! »
Le Conseil ne nie pas cette limite, mais la loi ne lui donne compétence que sur les radios et télévisions. Depuis son arrivée à la tête du CSA en 2012, Olivier Schrameck plaide pour une extension de cette compétence aux « services de communication audiovisuelle » en ligne… mais il est risqué, politiquement, de déterrer le sujet sensible de la régulation du Web.
Contrôler ce qui est dit à l’antenne
Les autres points soulèvent moins de contestations. L’un concerne le choix de diffuser la vidéo montrant l’assassinat du policier Ahmed Merabet par les terroristes. Seule France 24 avait diffusé cette séquence – avec des atténuations –, et cela lui vaut une mise en demeure. « Je suis étonné, soupire néanmoins son directeur de la rédaction, Marc Saikali. Veut-on que nos téléspectateurs à l’étranger se reportent sur nos concurrentes Al-Jazira ou CNN, qui n’hésitent pas à montrer ce type d’images ? »
Une autre mise en demeure concerne la divulgation de l’identité des frères Kouachi avant la diffusion de l’appel à témoins par la Préfecture de police. iTélé et LCI avaient donné à l’antenne des éléments permettant cette identification, issus d’informations qui circulaient sur les réseaux sociaux, parfois de source policière ou militaire. « Nous n’avons fait que relayer un appel à témoins », se défendent, en substance, les chaînes, soulignant qu’elles ne pouvaient passer sous silence une information qui circulait par ailleurs.
Mais le CSA estime que, dans ce cas, le souci de ne pas « perturber l’action des autorités » l’emporte sur le droit d’informer. « Certes, la fiche de recherche avait fuité sur les réseaux sociaux, explique M. About. Mais les radios et télévisions ont un pouvoir accréditant. Quand elles en parlent, cela change le statut de cette information. En l’espèce, le gouvernement a été contraint de diffuser à son tour la fiche de recherche, car tout avait été dit sur les antennes. »
Sans surprise, une dernière mise en demeure concerne la révélation, par cinq médias, que des personnes étaient cachées sur les lieux des prises d’otages de Dammartin-en-Goële ou de la porte de Vincennes. Ces « révélations » ont pu prendre des formes variées : information glissée à l’antenne par un journaliste, ou parfois par un témoin interrogé en direct, dont la parole ne pouvait être filtrée.
Pour le CSA, ces mentions ont été « susceptibles de menacer gravement la sécurité des personnes retenues dans les lieux ». Les médias se voient donc incités à retenir ce type d’informations, mais aussi à réfléchir aux moyens de contrôler ce qui est dit à l’antenne – y compris par des non-journalistes – dans des situations de direct intégral, pour rester des garants actifs de l’information.