Re : Emmanuel Macron Président de la République
Répondre #607 –
La Constitution de la Ve République est hybride, elle permet une lecture présidentielle (décrets, ordonnances, dissolution...) mais aussi parlementaire (champ législatif, contrôle parlementaire, censure du gouvernement).
Pour faire simple, jusqu'à Jupiter Mac Macron Ier, les présidents avaient adopté ces deux lectures mais à des contextes différents :
- Quand le Président et la majorité absolue (ou quasi absolue pour 1988) sont de la même couleur, la gouvernance est présidentielle. Le Président dépasse son champ de compétence constitutionnel en inféodant le Premier ministre grâce à son ascendance politique (je te nomme, je suis élu, tu me dois obéïssance) puis l'AN dont le chef du groupe majoritaire doit faire en sorte que la volonté du Président s'accomplisse par la Loi. Il faut savoir d'ailleurs que cette gouvernance ne respecte pas la Constitution dans le sens où celle-ci définit très clairement les compétences de chacun (il n'y a pas un professeur de droit Constitutionnel qui dira le contraire). Cependant, le Conseil constitutionnel n'a jamais rejeté cette lecture par incompétence, jusque là en tous cas. Considérant que c'est une lecture politique et non juridique, donc qui ne se censure pas.
- La seconde situation est liée à la Cohabitation : le parti présidentiel est minoritaire. Traditionnellement (soit en 1986, 1993 et 1997), le Président nomme le chef de la nouvelle majorité ou à la personnalité désignée par le camp majoritaire de devenir Premier ministre et de former un gouvernement. A ce moment là, la France bascule dans une régime et un fonctionnement totalement parlementaire... Où le Président ne détermine plus la politique de la nation (ce n'est pas son rôle constitutionnel mais celui du Gouvernement, dont il n'est pas membre, articles 20, 21, 22). Il limite son rôle à celui des articles de la Constitution, soit de présider et surtout réduit fortement sa communication partisane. Oui, Mitterrand et Chirac se permettaient parfois des saillies contre leur gouvernement, mais ils se plaçaient largement en arbitre et non "juge et partie". Le Président va alors se contenter de ses prérogatives honorifiques, et son action va se limiter à l'action diplomatique et aux affaires étrangères.
S'il est vrai qu'on ne peut pas dire que la situation actuelle est celle d'une cohabitation, car elle peut objectivement mener à une coalition dont le parti présidentiel est partie prenante, il me semble, et c'est quand même ce que disent l'essentiel des juristes, que l'issue la plus apaisée et démocratique était de parlementariser la séquence actuelle.
Or, d'où mon sobriquet Jupiter Mac Macron, ce dernier est tellement aveuglé par son hubris et son immaturité affective qu'il refuse d'admettre ses différents échecs de long terme ou, car en politique, on ne parle que d'hier, de sa bêtise d'avoir dissout l'assemblée en juin pour des élections fin juin, et qui a ainsi causé cette situation actuelle... Voulue par les Français.
Il veut absolument maîtriser la situation, il invoque l'article 5 de la Constitution... Or ce dernier n'est pas à géométrie variable : la chienlit institutionnelle a commencé en mai 2022 quand il a dit "ce vote m'oblige', soit les millions de votes provenant de la gauche, LFI incluse... Pour leur cracher dessus avec une violence bien supérieure à tout le blocage parlementaire de la LFI plus tard. Je le répète, j'exècre Mélenchon autant que Ciotti (je le reconnais juste plus habile et intelligent), et j'ai peu d'estime sur son entourage direct... Mais dire que la LFI sont les seuls à avoir foutu la merde de 2022 à 2024 et sont responsables, c'est objectivement faux. Bien sûr ils ont fait obstruction, il y a eu des attitudes regrettables... Cependant, d'un point de vue juridique ou politique, je ne trouve pas cela pire, et surtout plus dangereux que... Le fait de, pendant deux ans, vilipender un mouvement politique objectivement républicain (selon et le Conseil d'Etat ET la recherche universitaire), de les considérer comme des pestiférés et le pendant de l'extrème droite, voire de préférer celle-ci pour de nombreux coups bas parlementaires... Donc moi, quand j'entends, quand je lis un communiqué d'un Président prétendant être le garant de la stabilité des Institutions, je vois du véritable foutage de gueule qui ne correspond à aucune vérité.
Macron est le premier à ne pas respecter l'article 5 de la Constitution, c'est le premier à se torcher le cul avec chaque article en changeant l'interprétation de CHAQUE alinéa selon ce qui va lui permettre de faire passer ce qu'il a envie. Et il peut le faire car le Conseil Constitutionnel ne veut pas faire de politique et se limite donc à censurer des textes, et non des actions qui ne produisent pas mécaniquement du Droit.
Le problème, comme depuis 2022, c'est qu'en agissant ainsi, il donne les armes et les pratiques pour un futur gouvernement autoritaire. Et ça, vous semblez ne pas le comprendre.
Et c'est en cela que la Constitution de la Ve République doit être profondément réécrite. En soi, l'hybridation, sa souplesse de lecture n'est pas un défaut... Mais il existe trop de gris et trop de latitude à l'exécutif pour faire ce qu'il veut.