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Sujet: Melenchon ? une nouvelle révolution ? (Lu 5889 fois) sujet précédent - sujet suivant

Re : Melenchon ? une nouvelle révolution ?

Répondre #105
Je partage un peu les différents points de vue exprimé. Ce qui me semble intéressant c'est aussi les raisons pour lesquelles on en arrive à ces divisions en communautés qui rejettent plus ou moins fortement ceux qui ne sont/ne pensent pas comme eux. Il y a probablement de multiples facteurs, mais il me semble qu'il y en a un qui a une importance à ne pas négliger: pendant des décennies, les pays d'Europe de l'Ouest ont prétendu défendre des valeurs universelles comme la liberté, l'égalité, la fraternité tout en menant un certain nombre de politiques totalement en contradiction: maintien des femmes en situation d'éternelle minorité, stratégie coloniale avec asservissement (au sens propre) des populations locales.

Cet héritage pas réellement assumé au niveau de l'État permet à certain opposés à l'universalisme de jeter le bébé avec l'eau du bain et d’entraîner certains dans des combats strictement sur des bases communautaristes. Après là-dessus certains élus (et pas que de droite), pour des raisons électoralistes ont pactisé et pactisent encore avec ces gens qui veulent en fait les détruire… et c'est comme ça qu'on se retrouve avec LFI qui se prétend de gauche en défendant les islamistes de tous poils.

 

Re : Melenchon ? une nouvelle révolution ?

Répondre #106


@Flavien : toi qui es prof d'histoire, qui sais l'importance de la (re) contextualisation, comment tu perçois la volonté de certains de nier / rejeter des pans entiers de l'histoire humaine ? On sait bien que l'histoire est écrite par les vainqueurs et que d'un pays à l'autre les mêmes événements ne sont pas racontés de la même manière et c'est justement ce qui est intéressant, d'expliquer le pourquoi, le comment dans le contexte de l'époque. Que tout n'est pas tout blanc ou tout noir, que notre histoire n'est qu'un gigantesque nuancier de gris. Ce qui me tue, c'est le côté extrême de certaines attitudes : cette histoire ne nous convient pas, elle nie notre identité, hop, à la poubelle. Ce roman pour enfants discrimine ma communauté, hop, on le brûle (cf au Canada il y a 2 ou 3 ans).


Je suis toujours fan de Noir Désir et j'écoute du Cantat, cela doit te donner ma version des choses. :mdr:

Il y a quelques années, l'Etat de Californie a décidé de débaptiser des écoles d'Etat car elles portaient le nom d'une personne réputée raciste/jsaisplus... Bref. Leur commission s'était faite sans historien et c'était volontaire, car on est des emmerdeurs en rond puisque le récit historique n'a pas à juger les faits ou les Hommes mais simplement raconter en essayant de comprendre tous les aspects (points de vue). Chose quasi impossible mais la réalité historique devient tangible grâce à une multitude de voix qui, avec leurs prismes, vont apporter ensemble quelque chose qui y ressemble.

Pour ce qui me concerne, et les collègues professeur d'Histoire que je côtoie, on est pas trop dans l'omission ou dans l'édulcoration. Pour être plus clair, je suis par exemple moins précautionneux que Samuel Paty l'a été. Pourtant j'ai au moins 50% de gamins qui sont musulmans dans mon collège. Et d'ailleurs au sujet de l'Islam, quand les mômes me racontent de grosses conneries, je n'hésite pas à les afficher sans pitié (dernière perle en date, une déléguée ne voulait pas aller au conseil de classe car c'était la rupture du jeûne, je lui ai demandé de me citer la sourate interdisant un délégué de remplir ses obligations morales et en quoi ce devoir est incompatible avec le jeûne).
Bref, l'Histoire est effectivement du bon gros gris qui tache, et surtout avec des échelles de valeur, des principes qui évoluent, parfois rapidement, parfois moins. On en a beaucoup parlé, mais Despentes qui crache sur Jospin car il est frileux au sujet du mariage pour tous, moi ça me dépasse. Il avait 70 ans à l'époque, c'est pas le futur, on s'en branle de son avis. Ceux qui ressortent des cadavres sur Cousteau ou sur l'abbé Pierre, ok, fair enough, la vérité doit être sue, mais ça changera pas ce qu'ils étaient et ce qu'ils ont fait et ceux qui les admirent doivent pouvoir continuer des les admirer. JK Rowling aussi, même si ce serait bien qu'elle ferme un peu sa gueule car elle franchit des paliers regrettables... Ca m'empêchera pas d'aimer son univers.
Et a forciori quand on parle de personnes qui ont vécu il y a encore plus longtemps de cela (Céline, Clémenceau, Thiers, Robespierre... Jusqu'à Platon (doit on cancel Platon car c'était un putain de pédophile, gerontocrate, mysogyne ?).

Je ne suis absolument pas pour débaptiser une rue par volonté d'effacer de la mémoire publique.

Mais deux réserves :
- L'effacement est un rituel public qui  n'est pas nouveau. Dans le pays de Sumer, on casse les tablettes d'argile et hop, on oublie une période de l'Histoire. Chez les Romains, quand un Empereur était considéré comme nocif, il subissait à sa mort la "damnatio mémoriae" et c'était pas drôle : on fond les statues, on débaptise les lieux publics, on l'effaçait de tous les registres publics... On ne parlera évidemment pas de Staline hein lol Et en France, la Révolution française a été une vaste période de tentative d'effacement avec de nombreuses destructions (beaucoup de statues équestres ont été détruites, de nombreuses églises, des châteaux, des registres...) et, bon, vous connaissez tous la blague du calendrier révolutionnaire et des changements de noms de personnes (Philippe d'Orléans devient Philippe Egalité) ou de communes (Saint Etienne devient Ville d'Armes)...
- Considérant la mémoire publique, notamment celle qui est visible, il faut aussi respecter le cycle de nouveaux noms... Que ce soit des femmes qui ont existé et dont l'influence culturelle, philosophique, scientifique... a été complètement sous estimée (Marie Curie, Madame de Staël ou Olympe de Gouge pour les blockbuster) ou des personnes de la seconde moitié du vingtième siècle qui doivent apparaître dans l'espace public (ou du moins méritent autant que... Je sais pas, par exemple un maréchal Bugeaud pour citer une personnalité assez... Sulfureuse). Et bref, on ne peut pas toujours compter sur l'étalement urbain pour ces nouveaux noms... Donc il faut bien, comme cela a toujours été fait dans l'Histoire urbaine, débaptiser/rebaptiser (ex classique, la place royale devenue place de la république).

" En France, les peines d'argent durent plus longtemps que les peines
de coeur et se transmettent de génération en génération. "

 ( Silhouette du scandale )
Aymé, Marcel

Re : Melenchon ? une nouvelle révolution ?

Répondre #107
"Masterclass", comme dit la génération z. 'Nuff said, pour parler comme ce salaud de Stan Lee (à qui on doit quand même 50% du bronze age marvel).

Autre exemple, très dans l'air du temps. On parle pas mal de Coubertin en l' encensant. En tant que sociologue, je marque souvent la nuance liée à sa farouche mysoginie et son racisme enraciné.
Mais il était un homme de son temps, pas bien différent de ses contemporains.

Je n'ai pas d'affinités personnelles avec le "wokisme" au sens de ce que cette production est: un qualificatif porté par des personnes qui ne s'en revendiquent pas. On m'a d'ailleurs traité de wokiste par le passé . J'ai eu droit à un "OK boomer" sur Facebook, aussi. Ça doit équilibrer le karma, j'imagine (cette expression est le nouveau "j'ai pas d'argument élaboré pour te bâcher alors je vais dire/écrire ça").

Les sciences humaines replacent l'église au milieu du village, sans parti pris, sans passion, objectivement. Ce qu'en font les gens peut parfois dépasser cette recherche d'objectivité. Mais l'étiquetage demeure d'un côté comme de l'autre et témoigne des durcissement des positions de chacun.
On est tous le con de quelqu'un d'autre

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Mise a jour du blog le 27/12/06

Re : Melenchon ? une nouvelle révolution ?

Répondre #108
Autre exemple, très dans l'air du temps. On parle pas mal de Coubertin en l' encensant. En tant que sociologue, je marque souvent la nuance liée à sa farouche mysoginie et son racisme enraciné.
Mais il était un homme de son temps, pas bien différent de ses contemporains.


Attention, je rappelle tout de même qu'à la fin du XIXe et dans la première moitié du XXe tout le monde n'était pas misogyne et/ou raciste. Il y avait des mouvements féministes actifs, des mouvements contre la colonisations, contre l'antisémitisme et qui ont été puissants. Certes, la société était différente, mais de Coubertin avait, même pour l'époque, une conception réactionnaire de la société.

Je pense que dire qu'une personne est de son temps n'a pas de sens (ou plutôt relève de la tautologie): Napoléon III, Adolphe Thiers et Auguste Blanqui ont vécu en partie à la même époque… il me semble pas possible de les mettre sur le même plan et pourtant ils ont été tous les trois "de leur temps."

Re : Melenchon ? une nouvelle révolution ?

Répondre #109
Il faudra me dire où est la tautologie. C'est absurde de réduire mon raisonnement à ce niveau basique.

Être "de son temps" , c'est suivre une norme majoritaire. Il y a eu des végétariens tout au monde de l'histoire, l'humanité n'est pour autant pas végétarienne.
Partir du principe que des personnes ont une démarche entreprenariale à une époque donnée ne désengage pas pour autant la norme majoritairement admise. En l'espèce, par exemple, le XIXe est une période où la domination masculine bat son plein. Il est donc logique d'y voir des groupes féministes.

Cette période est celle qui a vu par exemple dans le monde équestre des femmes entrée reconnues comme écuyeres de talent... Dans les cirques qui étaient rarement le lieu de la domination sociale reconnue (cf. le conflit Aure-Baucher)

Autre exemple, sans être occidental, Jigoro Kano était "de son temps", au sens où il avait parfaitement compris les rouages occidentaux et que, ce faisant, il inventa le judo et participa à sa façon à l'entrée du Japon dans le bal des nations.

Je précise que tout ceci est pétri de raccourcis qui nécessiteraient des références que je vous réserve au besoin.
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Re : Melenchon ? une nouvelle révolution ?

Répondre #110
Être "de son temps" , c'est suivre une norme majoritaire. Il y a eu des végétariens tout au monde de l'histoire, l'humanité n'est pour autant pas végétarienne.


Alors déjà qu'est-ce que la norme majoritaire d'une période ? Majoritaire par le nombre de personnes dans la société qui la suivent? Majoritaire car portée par le gouvernement et une partie bruyante des élites politico-intellectuelles? Majoritaire car ce sont les héritiers de ceux qui la défendait qui ont écrit l'histoire?… Même actuellement avec tous les systèmes de mesure qui existent, sur plein de sujet, je me garderait de dire que telle ou telle opinion ou pratique est majoritaire tant les biais de perception peuvent être forts.

Bien sûr, il y a des choses où la société dans son ensemble a évolué (la place des femmes, le mariage… par exemple), mais il y en a d'autres sur lesquels à une même période les positions étaient loin d'être homogènes dans la société et donc parler d'évolution est nettement plus délicat. Par exemple les années 1930 en France, ce sont les Croix de feu qui défilent en 1934 et les grèves de 1936? Même période, mais des mouvements portant des valeurs totalement différentes, mobilisant des personnes totalement différentes. Et chacun des deux a pesé dans l'histoire qui a suivi.

Ce que je constate dans la pratique c'est que les commentateurs utilisent souvent l'expression "il était de son temps" pour absoudre une personne en général bien réactionnaire, plutôt raciste et/ou xénophobe avec parfois une pincée d'antisémitisme aussi… bref, le pauvre c'était pas sa faute, tout le monde était comme ça à l'époque (ce qui est le plus souvent faux, d'ailleurs). Pour en revenir à De Coubertin, il était plutôt en retard sur son temps justement. Sa conception des JO était celle d'une pratique sportive par une aristocratie mâle ayant suffisamment de biens pour s'adonner à des activités de loisir. Je ne suis pas certain qu'il approuvait l'évolution des JO telle qu'il a pu la voir (mon dieu, des athlètes noirs… pire… des femmes!). Et pour mémoire le CIO est loin d'être une institution ouverte (et encore moins démocratique d'ailleurs)… combien de ses anciens dirigeants ont fricotés, qui avec Hitler, qui avec Mussolini, qui avec Franco et d'autres. Combien fricotent encre avec des autocrates peu recommandables? Combien sont corrompus jusqu'aux yeux?

Re : Melenchon ? une nouvelle révolution ?

Répondre #111
Soit tu fais semblant de ne pas comprendre ce que j'écris, soit tu me prends ouvertement pour un con. Est-ce que tu réalises au moins que tu te contredit dans ton discours et me prête un propos que je n'ai jamais eu? A ta décharge, c'est un peu facile pour moi d'asséner des choses sans apporter les éléments qui puissent au minimum faciliter la compréhension. C'est facile d'arriver en mode "je sais, prenez le pour acquis".
Mais je n'aime pas me sentir méprisé et rabaissé gratuitement. Je vais donc me contenter de répondre très sommairement aux questions du départ et ignorer le reste pour ne pas perdre plus de temps.


Alors déjà qu'est-ce que la norme majoritaire d'une période ? Majoritaire par le nombre de personnes dans la société qui la suivent?

Oui

Majoritaire car portée par le gouvernement et une partie bruyante des élites politico-intellectuelles?

Oui

Majoritaire car ce sont les héritiers de ceux qui la défendait qui ont écrit l'histoire?…

Oui

Même actuellement avec tous les systèmes de mesure qui existent, sur plein de sujet, je me garderait de dire que telle ou telle opinion ou pratique est majoritaire tant les biais de perception peuvent être forts.

Lol....

Pour plus d'informations:
https://www.universalis.fr/encyclopedie/la-distinction-critique-sociale-du-jugement/

https://theconversation.com/les-heritiers-ce-que-bourdieu-et-passeron-nous-ont-appris-de-linegalite-des-chances-177185

https://books.openedition.org/pur/24404

https://www.cairn.info/outsiders--9782864249184.htm



Et pour l'évolution du sport et des JO:
https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2010-2-page-177.htm


Cairn est en maintenance aujourd'hui, mais cela ne devrait pas durer. Bonne fin de journée, j'ai mon saoul
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Mise a jour du blog le 27/12/06

Re : Melenchon ? une nouvelle révolution ?

Répondre #112
Citer
Il y a quelques années, l'Etat de Californie a décidé de débaptiser des écoles d'Etat car elles portaient le nom d'une personne réputée raciste/jsaisplus...


Oh mais tu sais, je ne serais pas surprise qu'un de ces quatre, il y en ait un ou une qui lève le doigt pour proposer qu'on débaptise tout ce qui s'appelle Jules Ferry en France. Ou Napoléon (vont être bien emmerdés à Ajaccio, tiens).

Et puis bon, les Américains et l'esprit critique, le recul, l'instruction, tout ça... voilà.

Citer
doit on cancel Platon car c'était un putain de pédophile, gerontocrate, mysogyne ?


J'ai ri :D

@MCL : le cas de Jules Ferry, tiens. J'étais en 4ème, donc en 1989, et notre prof d'HG (Mme Alfonsi, la meilleure que j'ai jamais eue sdep) nous avait fait lire et travailler sur un extrait de ce fameux discours où il professait la supériorité des blancs sur les peuples colonisés et tout les bienfaits de la colonisation pour eux en matière d'éducation et autres. C'est dingue d'ailleurs que je m'en rappelle aussi bien. J'ai retrouvé ledit discours dans son entièreté qui en réalité est moitié discours, moitié échanges avec ses contradicteurs. Au-delà de ce seul sujet de l'instruction, le volet économique de la colonisation est abordé et, bref, on comprend bien que le coeur du sujet, il est là, hein. Alors, oui, il y a des gens pour lui rétorquer que c'est super pas bien de parler comme ça des colonies et qu'on devrait pas coloniser des pays, que leurs habitants ne sont pas inférieurs à qui que ce soit, tout ça tout ça. Mais, clairement, ce n'était pas la pensée dominante. Des débats s'initiaient mais en aucun cas on ne peut dire que l'anti-colonialisme était un courant majoritaire dans la société. Je veux dire, l'abolition de l'esclavage n'avait même pas fini de refroidir à l'époque alors l'anti-colonialisme... :mdr: Faut pas se voiler la face : l'évolution des sociétés relève du temps long. Ce n'est pas parce que quelques voix dissonantes s'élèvent au milieu d'une tendance majoritaire qu'elles suffisent à nier la majorité en question.

Je remarque - et ça va avec l'air du temps - que dès qu'il s'agit de dégager une tendance "générale", de plus en plus de gens se crispent. Ceci est concomitant à la quête effrénée d'individualité, qui va aussi avec le "combat" qui veut que chaque être soit unique et que de ce fait, il devient interdit de généraliser. Pourtant, c'est un fait. Il y a des tendances, des redondances, des constats qui statistiquement, mettent des "généralités" en évidence. Ca a toujours existé et ça existera toujours. Ca ne signifie pas qu'il n'y ait pas d'exceptions, comme dans n'importe quel échantillon statistique. Mais une exception ne justifie pas de ne pas parler de tendance générale, voire de proclamer une tendance inverse.