Je vous conseille ce livre :
Très bien réalisé et documenté
A découvrir absolument.
Surtout quand on voit le prix, il serait idiot de s’en passer !
:whip:Hop !
« Génération Manga : Petit guide du manga et de l’animation japonaise » par Jérôme Schmidt : Autopsie d’un échec…Paru en 2004 aux éditions Librio, ce livre formait le 7ème ouvrage en France
(1) mentionnant l’existence et le fonctionnement des manga
(2). Préfacé par Jean-Pierre Dionnet, fondateur de feu « Métal Hurlant » et importateur de perles cinématographiques asiatiques (« Ring », « Battle Royale »), ce livre de 94 pages est à compulser avec prudence tant en matière de pertinence qu’au niveau du contenu. Il ne faut pas se leurrer et Dionnet sous-entend la vision biaisée que nous pourrions avoir à la lecture de ce livre. L’outil que nous avons en main est un panorama, une des fenêtres de la constellation manga ouverte pour les néophytes. Le panorama induit une vision large, souvent trop large pour un spécialiste mais suffisante pour que le lecteur lambda embrasse ce nouvel horizon qui se profile sous ses yeux. Cette notion de panorama induit une superficialité des thèmes traités faute de pouvoir sonder chaque point plus en détail. Il faut comprendre que ce n’est qu’en lisant et relisant ses manga qu’on se forge une véritable analyse du phénomène : être sur le terrain et confronter sa culture occidentale et nos images d’Épinal à celles des Japonais.
Le terme de « guide » est explicite puisqu’il s’agit d’un copier/coller de poncifs (définitions, analyses) que chaque passionné autodidacte rencontre à de multiples reprises dans d’autres bouquins, sur Internet et en feuilletant des magazines spécialisés (« Animeland », feu « Virus Manga », Japan Vibes, …).
Une ombre de taille subsiste dans les recherches de l’auteur. Nous ne disposons d’aucune bibliographie et les sources ne sont pratiquement pas cites
(3). Certes, cet ouvrage n’a pas la mission d’offrir de nouvelles vérités ou des thèses minutieuses sur le manga mais il se doit d’aider, d’assister, en somme de « guider » le novice à reconsidérer son appréhension du manga en dehors de ses souvenirs cathodiques et des multiples censures qui défrayèrent les chroniques du Paf dans les années 1990, notamment lors de la diffusion de l’émission jeunesse, le « Club Dorothée ».
En dépit de ses nombreuses erreurs et de son contenu lapidaire, cet ouvrage constituait à l’époque un nouveau jalon dans la reconnaissance du manga depuis une décennie aussi bien au travers de l’édition que de la presse écrite. Il permet d’observer l’évolution sensible des mentalités quant à l’acceptation d’un tel support populaire dans le paysage culturel hexagonal.
Après orthographié Candy avec un « n » à la fin, il soumet au lecteur sa vision du manga comme étant « avant tout de la japanime » (page 11), propos totalement faux puisque le manga désigne une bande dessinée sur support papier qui fut la source de toutes les dérivations possibles, depuis la série télévisée en passant par les produits dérivés puis la consécration cinématographique (film d’animation ou live).
Le premier chapitre définit le manga comme un ouvrage « évitant de rentrer dans une réflexion trop complexe sur l’époque moderne » (page 13-14). Des œuvres comme Ayako de Tezuka Osamu (Ed. Delcourt) ou « Say Hello to Black Jack » (Ed. Glénat) tendent pourtant à illustrer les marasmes d’un Japon social et historique.
L’attention portée au circuit de fabrication du manga (page 19) est bancal puisque l’auteur ne mentionne pas le sort réservé aux séries qui ne fonctionnent pas en raison de l’usage d’un encart dans certains mangashii (magazines de prépublication) où le public joue les césars dans l’arène en éliminant les séries jugées médiocres. L’absence de ce point dans l’ouvrage fait donc croire qu’il n’existe aucun déchet dans l’industrie nippone de la bande dessinée.
Parmi les premiers grands succès historiques du manga, l’auteur cite maladroitement le cas de « Norakuro, soldat de seconde classe » (« Norakuro Ittôhei ») réalisé en 1934 par Mituyo (page 20) en omettant sa naissance sur papier en 1932 sous la plume de Tagawa Suihô ainsi que les causes qui amenèrent ce bouledogue noir à devenir une icône propagandiste d’un Japon militaire lors de l’invasion de la Mandchourie dans les années 1930.
Les années 1970 voient un début de consécration des grandes séries mettant en scène des robots en page 21. Jérôme Schmidt écrit que Grendizer (Goldorak) fut créé en 1972 (alors qu’il s’agit de Mazinger) puis orthographie mal le prénom de Miyazaki, célèbre réalisateur de films d’animation au sein de son studio Ghibli (Hiyao au lieu de Hayao).
Le second chapitre traite davantage de la japanimation dans lequel l’auteur semble se baser sur ses souvenirs d’enfance (page 26) en acceptant que les sports populaires les plus employés dans le manga sont généralement le volley-ball (Jeanne & Serge) ou encore la pêche (Paul le pêcheur). La boxe (Hajime no ippo, Ashita no Joe), le base-ball (Rookies, Touch) et le football (Captain Tsubasa) sont pourtant davantage plébiscités. Il clôt le chapitre non sans nous avoir offert une faute d’orthographe dont lui seul détient le secret (Rhax Phon au lieu de Rhaxephon).
Si l’auteur maîtrise son sujet concernant l’histoire du manga au Japon, ses connaissancdes sur l’implantation de ce type de bandes dessinées en France sont décevantes. En page 35, à propos de la première édition d’Akira, il fait comprendre que des journalistes ont commencé très tôt à s’intéresser à cette « production de qualité ». Il aurait été souhaitable de remémorer l’épisode de la politique éditoriale sur l’œuvre-phare d’Otomo Katsuhiro par Glénat qui n’eut aucun scrupule à dépouiller l’aspect oriental du manga. Papier recyclé, couverture fine, noir et blanc et sens de lecture sont passées à la trappe au profit du confort occidental et au mépris du respect du travail de l’auteur avec une couverture épaisse et rigide, du papier glacé, des couleurs arbitraires, tout autant qu’une traduction issue de la version américaine.
Un peu plus loin, l’auteur relate l’apparition des premières vidéos de japanimation qui débute, selon lu, en 1994 avec Dragon Ball Z. Tout est faux. En réalité, il y eut plusieurs tentatives dès 1991 avec la société AB Productions et Pascal Lafine, actuel directeur éditorial chez Tonkam comme « La cité interdite » et « Cristal Triangle », deux œuvres ciblant un public adulte. La première vidéo officielle est une adaptation d’un manga d’Urushihara Satoshi, «Legend of Lemnear » chez AK Video.
En page suivante, Jérôme Schmidt confond manga et comic. « Le magasin Tonkam (…) importait des manga japonais à Paris depuis le milieu des années 1970. Si les comics américains furent effectivement proposés aux lecteurs français à cette époque (mais peut-être pas dans Tonkam au début), les manga franchissent le pas de la boutique qu’en novembre 1985.
Arrive enfin le chapitre dédié aux grands maganka (auteurs de manga). En dehors d’une faute d’orthographe (Sapphire au lieu de Saphir en page 44), d’une erreur de calcul (il sous-entend page 45 que « Tonari no Yamada kun » - « Nos voisins les Yamada » - fut réalisé en 1998 au lieu de 2001) et d’une méconnaissance de l’œuvre de Clamp (il incluse Sailor Moon dans les œuvres du studio !), c’est la partie la plus sérieuse et la plus intéressante à lire.
La cinquième et dernière partie présente douze fiches de séries célèbres pour découvrir, selon l’auteur, « toutes les facettes de la Japanime et du Manga ». Parmi ces douze apôtres de la Bonne Parole, nous allons décortiquer le résume de la série-culte « Gunnm » de Kishiro Yukito : « En six tomes, Gunnm plonge le lecteur dans l’univers noir et désespéré de deux cités antagonistes, Jéru et Zalem, la ville qui flotte dans le ciel. » Voici ce que je nommerai un très dangereux raccourci. Tout d’abord, l’édition originale s’est faite en neuf volumes. Il y a bien une version deluxe en six tomes mais dans ce cas, pourquoi avoir mis en illustration la couverture du premier volume de l’édition de 1991 ? Ensuite, Jéru est quasi-inexistant dans la série. En dehors d’une allusion dans le volume deux et d’une très brève description au volume 9 (amputé dans la version deluxe pour lancer une suite), cette cité céleste se dévoile dès le tome trois de la suite de « Gunnm », « Gunnm Last order », série commencée en 200& et que l’auteur de mentionne pas. Parler d’antagonisme entre Jéru et Zalem consiste donc ici à placer la charrue avant les bœufs. Par ailleurs, elle ne flotte pas, elle est suspendue. Plus loin, l’auteur poursuit son résumé : « L’autre planète est celle des déchus, une sorte d’énorme décharge ». Zalem n’est pas une autre planète mais une cité qui est située au-desus d’une décharge (Kuzutetsu).
Dans le résume de la série « Macross » (page 73), Jérôme Schmidt réitère son erreur en assimilant 1972 à Grendizer et surtout en disant que « Goldorak » est la traduction française de «Mazinger Z» ! Par ailleurs, Macross, ne « surfe » pas « sur la tradition popularisée par Goldorak » puisqu’elle est issue d’une autre école dite réaliste et mise en place par la série « Gundam ».
Notre calvaire prend fin avec la mangathèque idéale de l’auteur. Mangathèque qui n’intègre pas des œuvres phares de Tezuka (« Black jack », « Bouddha », « Phénix »), d’Urusawa Naoki (« Monster », « 20th Century Boys »), de Clamp (Tokyo Babylone, RG Veda) et plusieurs grands succès (« Saint Seiya », « Hokuto no Ken », « Video Girl Aï », « Nana », « Eden », « Vagabond », etc…). Parmi les résumes proposés, celui de « Love Hina » est catastrophique et montre que l’auteur n’a pas dû dépasser le premier volume puisqu’il s’agirait d’un vaudeville où « les jeunes garçons luttent de toutes leurs forces » alors qu’il existe réellement qu’un (Keitarô). Si l’animethèque semble mieux fournie, elle ne propose pas Gundam ou plusieurs films de Miyazaki.
La fin du livre ne propose ni bibliographie, ni site Internet, ni adresse de boutiques (4) et encore moins de glossaire. Il y a un manque de repères évident et consternant pour toute personne néophyte qui aurait l’envie de travailler tout cela en profondeur. Le bac à formol des années cathodiques est prêt à recevoir un travail qui fera rire plus d’un spécialiste…
(1) Depuis, cinq autres livres sur les manga sont parus entre septembre et décembre 2005 :
- COLLECTIF, « Guide phénix du Manga », Asuka, 2005 (sortie courant décembre)
- COLLECTIF « Manga – Nouvelle Vague », Casterman, 2005
- DELPIERRE H.-M. ; SCHMIDT, J. « Les Mondes Manga », E.p.A – Hachette Libre, 2005, 184 pp. ---> J'avoue qu'il est bien fichu mais je ne l'ai pas du tout encore lu (mon avis une autre fois)
- GRAVETT, P. « Manga - Soixante années de bandes dessinées japonaise », Editions du Rocher, 2005, 176 pp. ----> De la méga bonne came ! J'avais déjà lu la version anglo-saxonne paru l'an dernier Chez Laurence King Publishing et je ne peux que vous inciter à le lire
:) (en espérant que la traduction n'ait pas faussé des informations)
- TILLON, F. « Les mangas », Nouveau Monde, 2005, 32 pp. ---> Une compilation pas trop dégueue (j'y ai même découvert deux trois bricoles dans la partie historique dans les années 1940, c'est dire !)
(2) –Voici une autre liste d’ouvrage traitant du sujet :
- BARRAL, E. « Otaku, les enfants du virtuel », Denoël Impacts, 1999, 320 pp.
- COLLECTIF « Le petit monde de la japanim’ et du manga », Animeland, Hors-Série numéro 5, 2003, 319 pp.
- GAUMER, P. ; RODOLPHE « Faut-il brûler les mangas », Blois : Boum éditeur, 1997, 80 pp. (épuisé et introuvable, snif !)
- GOMARASCA, A. « Poupée, Robots ; la culture pop japonaise », Paris : Autrement, 2002, 160 pp.
- KINSELLA, S. « Adult Manga », Richmond : Curzon Press, 2000, 240 pp.
- RAFFAELLI, L. « Les âmes dessinées du cartoon aux mangas », Dreamland éditeur, 1996, 176 pp.
- SCHILLING, M. « The encyclopedia of Japanese Pop Culture », Weatherhill, 1997, 344 pp.
Etc..
(3) Il indique une source en page 18, SOEDA, sans la définir ni stipuler le lieu où il a cherché cette information. Et ça se dit « Journaliste »… tsss !
:niark:-----
Ah sinon, une seconde édition du Guide du manga (Camphrier) va sortir en janvier, avec une grosse mise à jour sur les sorties de l'année 2005 (ça en fait un sacré paquet !)
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D's©