La Saison 4 de Sherlock a débuté dimanche soir. L'épisode fait suite à la Saison 3 (et à l'épisode victorien hors-série diffusé l'année dernière The Abominable Bride qui était finalement tout sauf un épisode hors-série). La Saison 4 commence précisément à cet instant : toutes les télévisions de Grande-Bretagne ont diffusé un message de Jim Moriarty annonçant son grand retour. Sauf que, problème, Moriarty s'est tiré une balle en pleine tête sous les yeux de Sherlock à la fin de la saison 2, comment est-ce possible ? Vivant, pas vivant ?
Le premier épisode, The Six Thatchers, a donc été diffusé cette semaine et s'avère... déroutant. On va pas y aller par quatre chemins, soit Mark Gatiss (qui scénarise cet épisode) s'est foiré magistralement, soit c'est plus complexe que cela et structurellement, le co-créateur de la série a opté pour un scénario construit avec un banc entier de harengs rouges (pour les non-cinéphiles :
http://www.ghostinthescript.com/fausses-pistes-et-renverse…/) en se disant que la plupart des gens n'y verront que du feu.
En essayant d'être le plus impartial possible, on peut quand même penser que (heureusement) cet épisode relève plutôt de la seconde option. La série a toujours fonctionné sur la subjectivité et les mensonges par omission de ses personnages.
Cet épisode sombre peu à peu dans une espèce d'absurdité général. La série Sherlock a déjà fait voyager ses personnages (Sherlock vient rencontrer un client dans un pays slave en saison 1, Irène Adler se fait enlever au Pakistan en saison 2...) et ça n'est pas vraiment ça le problème. Sherlock qui réussit à se défendre face à un assassin, ça ne pose pas de problèmes non plus puisque c'est établi depuis la saison 1 (face à un gang asiatique dans le 102). Même si j'avoue préférer les intrigues plus terre-à-terre londoniennes, tout ça ne me choque pas puisque ça existait déjà dans le Sherlock original.
Non, ce qui pose problème dans cet épisode, c'est l'avalanche de coïncidences et d'approximations. Et c'est à ce moment-là où je vais commencer à vraiment spoiler à propos de l'épisode.
Tuer Mary dès le premier épisode de la saison, c'est vraiment une bonne chose. Non pas que je n'aime pas Mary mais dans la mesure où on sait que dans l'oeuvre original, le personnage est amené à disparaître de la vie de Watson, c'était ce qu'il fallait faire. L'erreur aurait été de garder sa mort pour la fin de la saison et essayer d'en tirer une tension dramatique. Il fallait soit la tuer très tôt, soit la faire disparaître autrement. Ça, c'est ce qui me plaît. Par contre, sa mort est vraiment très « étonnante », voir risible, mais j'y reviendrai plus tard.
Ce qui pose problème dans cet épisode, c'est que le mystère des six bustes de Thatcher permet à Mark Gatiss (le scénariste de l'épisode) de tirer le fil de l'intrigue n'importe où. On commence par un fils décédé dans la voiture de son père pour aller vers une série de bustes de Thatcher détruits par un inconnu pour arriver sur le passé trouble de Mary et aboutir sur un complot avec taupe gouvernemental. C'est extrêmement indigeste. Les différentes intrigues sont en plus résolues à l'aide de trop nombreuses coïncidences (Ajay, assassin hors-pair, qui se fait tuer par un policier marocain sorti de nulle part, Mary qui a le temps de se jeter entre Sherlock et Vivian Norbury pour se sacrifier...). Trop de choses sonnent fausses.
C'est la raison pour laquelle j'ai aimé cet épisode. J'en reviens à mes harengs rouges. L'épisode croule sous les intrigues faussement refermées. L'intrigue Mary qui était le pivot scénaristique de la Saison 3 se retrouve close dès le premier épisode ? La séquence où John se met à flirter avec une inconnue est répétée à deux reprises dans l'épisode à l'identique (en fait, non, les dialogues entre John et Mary changent très légèrement entre la première et seconde version, même chose pour le passage où John sort du bus, ce sont les mêmes personnages, les mêmes actions mais ce ne sont clairement pas les mêmes prises, je vous conseille de les revoir) sans que ça n'ait une seule incidence sur le dénouement final, vraiment ? Mycroft qui semble au fait du passé de Mary mais qui l'a gardé pour lui jusqu'ici alors que Sherlock a failli se faire tuer par cette même Mary à la fin de la saison 3, est-ce plausible ? Et enfin, est-ce qu'on peut s'interroger sur cette mort avec bullet-time + giclée de sang + Mary qui fait une déclaration mélodramatique à Watson et Sherlock pendant deux bonnes minutes, alors que dans le 303, lorsqu'on voit Sherlock se prendre une balle, on nous précise bien que Sherlock n'a que quelques secondes pour réfléchir avant évanouissement et qu'il n'y a jamais de grande giclée de sang comme dans les films lorsqu'on se prend une balle dans la poitrine ?
Dans la série des éléments troublants, il existe le blog de Watson, qui est un site spécialement créé pour la série avec les billets d'humeur de John qu'il écrit tout au long de la série. Et l'affaire des Six Thatchers s'y trouve (
http://www.johnwatsonblog.co.uk/blog/19december) sauf qu'elle est différente et a été élucidé par Sherlock chronologiquement aux alentours du début de la saison 2 (il y a une référence à Irène Adler dans le billet). Le blog est 100% officiel. Soit Mark Gatiss a repris l'intrigue de ce billet pour écrire son épisode, soit il y a autre chose... Même chose, pourquoi lorsque Mary laisse un message vidéo à Sherlock, elle lui demande à plusieurs reprises de « sauver John WATSON » ? C'est son mari et elle adresse ce message à son meilleur ami, pourquoi ne pas l'appeler simplement « John » ? Il y a peut-être un message codé dans cette phrase certes, ou bien autre chose... Enfin, pourquoi John en veut tant à Sherlock à la fin de l'épisode et refuse de le voir ? Mary s'est sacrifiée pour Sherlock certes, Sherlock avait promis de toujours les protéger certes², mais Sherlock ne s'est quand même pas servi de Mary comme bouclier humain. Ce n'était absolument pas de sa faute dans l'absolu. Soit la réaction du personnage est très mal écrite, soit il y a autre chose...
Non. Tout est construit pour qu'on puisse déconstruire facilement toute l'intrigue de cet épisode. Cela peut résulter simplement d'une très mauvaise écriture mais venant du même duo qui nous avait écrit une saison 2 à couper le souffle et une saison 3 qui continuait à peu près sur cette voie, j'aime à penser que le plus improbable dans cette histoire, c'est qu'il y ait une chute si nette dans la qualité d'écriture de Gatiss (secondée par Moffat) pour cet épisode. On ne prend pas deux à trois ans à écrire trois épisodes pour que le premier soit aussi mal foutu.
Je vais pas me lancer dans une série de théories, mais je veux bien faire le pari qu'une grande partie de cet épisode est fausse. Pour moi, Mary est bel et bien morte, mais peut-être pas dans les circonstances racontées dans cet épisode (bon, allez, je vais même aller jusqu'au bout de ma pensée en disant qu'elle s'est probablement faite tuée parce que Sherlock et John se sont aperçus qu'elle était du côté de Moriarty all along). Allez, c'est dit, je pose ça là. On verra si dans deux semaines, je suis déçu et/ou agréablement surpris.