Je suis bien d'accord avec toi !
Re: Football : 11 gars et un ballon !
« Réponse #3510, le 9 Janvier 2012 à 21:37 »
“Les gens reçoivent très mal les signaux lancés par les médias, ils voient débouler des chiffres sans aucune explication. On ne parle plus que de chiffres, tous les jours, je n'ai plus l'impression de voir évoluer un joueur mais “42 millions d'euros” (Pastore). Ou alors j'ai l'impression de serrer la main à l'entraîneur “500 000 euros” (Ancelotti). Il faut pourtant expliquer que l'arrivée de ces nouveaux investisseurs est plutôt une bonne nouvelle, et dire que quand les Qataris versent autant d'argent, ils vont également payer des taxes énormes, des charges sociales, qui ne peuvent qu'être bonnes pour l'économie du pays. Je crois qu'avec les abus de la grande finance, on mélange un peu tout en ce moment” a-t-il protesté dans le journal La Voix du Nord.
Réaction intelligente de Michel Seydoux ( comme souvent de toute façon, Lille est un club sein ) sur l'investtissement qatari :
20 février 2012
Euro 2016 : le milliard des stades
La candidature de la France à l'organisation de l'Euro 2016 n'avait pas suscité une mobilisation très remarquée, ni son obtention un enthousiasme démesuré – vite douché qu'il fut par la série de calamités qui s'abattirent ensuite sur le football français. Le débat sur le financement de la rénovation-reconstruction des stades n'a pas beaucoup ému le pays, en dépit de certaines mobilisations qui en ont fait un objet de controverses politiques locales, comme à Lyon. L'enveloppe de 168 millions d'euros sur quatre ans, consentie par le gouvernement et prélevée sur le budget du Centre national du développement du sport (CNDS), ou le décret permettant de déclarer les projets "d'intérêt général" afin d'accélérer théoriquement les procédures ont été peu contestés. Tout comme la loi du 2 juin 2011, dite de manière tout à fait transparente "relative à l'organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016", qui permet pourtant aux collectivités locales de financer les projets de rénovation privés, notamment menés par des baux emphytéotiques administratifs – soit, à l’époque, les stades de Nancy, Paris et Lens [1].
En définitive, le discours martelant la nécessité absolue de "moderniser" les stades – pour rattraper le "retard français" et permettre aux clubs de rivaliser sur le plan européen – est resté dominant. Et pour nous autres amateurs de football, il a été difficile de résister au plaisir de voir scintiller en images de synthèse les éblouissants lieux de culte que l'Euro nous promettait pour les onze villes retenues.
L'ASSURANCE D'Y PERDRE
Aujourd'hui, le projet Euro 2016 ne suscite plus la même unanimité. Nancy a déclaré forfait, imitant tardivement Nantes et Rennes, non-candidats pour les mêmes raisons que celles énoncées par la communauté urbaine de Nancy, qui a refusé d'assumer des charges financières réévaluées à la hausse. À Lille, un surcoût de près de 100 millions d'euros est évoqué. Le RC Lens n'ayant plus les moyens d'emprunter, c'est sur les collectivités que va être transférée la charge de Bollaert. À Lyon, si Jean-Michel Aulas continue en toute impunité de prétendre que son stade des Lumières est "100% privé", les investissements publics sont en réalité considérables (170 à 300 millions d'euros selon les estimations). Enfin à Bordeaux, l'association TransCUB et l'opposition municipale contestent le contrat de partenariat avec Vinci et Fayat, dont ils estiment qu'il coûtera à la ville bien plus que le montant annoncé (175 millions, dont la moitié à la charge de la ville).
L'Association nationale des élus en charge du sport (ANDES) évalue à plus d'un milliard d'euros l'effort financier des collectivités territoriales. Parés de toutes les vertus, les partenariats public-privé permettent certes, à court terme, les montages financiers nécessaires au lancement des projets, car le coût initial est porté par les constructeurs. Mais leur bilan final, en raison des longues annuités de remboursement versées par les collectivités, ne promet d'être avantageux que pour les exploitants. "Cette situation laisse à penser que le concept de la privatisation des recettes et de la socialisation des dépenses demeure, et qu'il est grand temps d'y mettre fin", a commenté l'ANDES. Dans son rapport publié fin 2009, "Les collectivités territoriales et les clubs sportifs professionnels", la Cour des comptes s'était également montrée très sévère [2].
LE DÉSASTRE PORTUGAIS
Dans un contexte où les fameuses "retombées économiques" des grands événements sportifs sont de plus en plus mises en doute – hormis donc pour les industriels du BTP –, les désastreux exemples de la Grèce et du Portugal, organisateurs en 2004 des Jeux olympiques et de l'Euro, ont évidemment des résonances particulières. Soulevant l'admiration de l'Europe, les Portugais avaient construit neuf stades entièrement neufs, certains ne devant pourtant pas accueillir plus de deux matches de la compétition. Aujourd'hui, le taux de remplissage de la Liga Sagres plafonne à 44%, en queue de peloton européen. Il était de 10% pour Leiria, dont le club a même fini par déménager en raison d'un loyer trop lourd pour ses finances. Boavista est lourdement endetté et six des municipalités concernées se débattent avec des coûts d'entretien et des niveaux de remboursements devenus insoutenables (lire l'article de blogolo.fr).
La dégradation de la conjoncture économique et la crise de la dette ont altéré aussi bien la capacité de financement des collectivités que la popularité de l'effort consenti pour édifier des équipements qui apparaissent moins prioritaires que jamais – à plus forte raison dans un contexte d'hostilité envers le football et ses dérives économiques ou morales. Signe d'une prise de conscience excessivement tardive, le nouveau ministre des Sports David Douillet a tout récemment déclaré que "l'État n'aurait pas dû avoir besoin de contribuer à la construction ou à la rénovation des stades. Le milieu aurait dû être plus mature et avoir le bon sens du bon père de famille d'investir dans les stades", mettant soudainement la doigt sur la question de fond, celle qui aurait dû être posée au départ: quelle légitimité y a-t-il à mettre à disposition d'intérêts privés des infrastructures largement financées par le public?
LOTO SPORTIF POUR LES VILLES
Lorsqu'ont été inaugurés le Stade des Alpes de Grenoble et le MMArena du Mans, les deux plus récentes réalisations de la nouvelle génération de stades de football (avant celui du Hainaut, achevé l'été dernier à Valenciennes, tous trois étant inéligibles à l'Euro du fait de leur capacité inférieure à 30.000 places), mettre en doute la pertinence de ces réalisations revenait à jouer les gâte-sauce tant l'enthousiasme était de rigueur pour célébrer leur modernité (lire "L'info en (très) bref"). Aujourd'hui, le GF38 a déposé le bilan puis été relégué en CFA2, et n'attire plus que 2.000 spectateurs en moyenne, plongeant la municipalité dans un profond embarras. Au Mans, dont l'équipe figure cette saison en bas du classement de la Ligue 2, le temps des festivités est bien révolu avec un taux de remplissage inférieur à 30% (pour 25.000 places).
Ces exemples révèlent une aberration dans le modèle économique de la construction des stades: leur viabilité va dépendre du maintien des clubs résidents dans l'élite – qui seraient incapables de régler leur loyer et d'assurer la rentabilité de l'enceinte en cas de relégation. Comment, alors, une collectivité peut-elle s'engager financièrement alors que la viabilité de son investissement dépendra des résultats du club local? Le pari est intrinsèquement déraisonnable. Et il fait courir des risques graves à l'intégrité des compétitions avec cette nouvelle intrusion des "enjeux économiques", toujours plus puissants et plus hostiles à l'aléa sportif.
LES COLLECTIVITÉS ONT-ELLES DÉJA PERDU L'EURO 2016 ?
Des centaines de millions d'euros d'argent public dépensés pour les quatre semaines d'une compétition de l'élite [3], en ponctionnant les moyens qui devraient être consacrés à la lutte contre les inégalités dans l'accès au sport: au moment où les collectivités souffrent de graves problèmes de financement, ce choix de priorité n'a probablement pas fini d'être contesté. Même en laissant de côté les questions de la transformation des stades en centres de profits ultra rationalisés, de la priorité accordée aux publics VIP aux dépens des publics populaires ou de la privatisation de l'espace public avec les opérations de naming, le jeu en vaut-il la chandelle?
On peut trouver légitime une politique d'aménagement urbain via la construction de grands équipements sportifs et assurer qu'elle ne multipliera pas les éléphants blancs sur le territoire, ou a minima que certaines opérations seront des réussites [4]. On peut aussi espérer que l'opération profite au football français, du moins aux clubs qui réussiront à se développer grâce à leurs nouvelles infrastructures. Mais les enjeux politiques et économiques étaient suffisamment importants pour justifier un véritable débat sur les rapports entre clubs, industriels et villes, tant il est clair que ces dernières en sortent trop souvent perdantes. Il n'a pas eu lieu. Le bilan, lui, sera forcément trop tardif.
Sur le sujet, lire aussi : "Le boulet des stades de l'Euro 2016" et "Euro 2016: les collectivités redoutent la facture".
[1] À peine huit mois plus tard, il apparaît qu'aucun de ces stades ne se construira via un bail emphytéotique: Félix-Bollaert va repasser dans le giron public, Marcel-Picot ne connaitra pas de rénovation et de nombreux doutes subsistent sur le projet du Parc des Princes (lire "Paris et la tentation de Saint-Denis"). Au rythme d’une loi sur le sport tous les dix ans en moyenne, il est dommage que celle-ci soit déjà obsolète.
[2] "Tout participe au manque de transparence et a l’affaiblissement de la position des collectivités, lorsqu’elles doivent négocier avec des clubs professionnels qui mettent en avant, mais sans en apporter la démonstration, le bénéfice retiré par la personne publique de ce soutien en termes de notoriété, d’activité économique ou de renforcement du lien social."
[3] Rappelons aussi que l'UEFA impose des normes drastiques qui alourdissent les coûts. Lire "Le stade parfait n'existe pas".
[4] Lire "Nouveaux stades, l'urbanisme sur le banc?" et "L'Euro 2016, révélateur des enjeux de l'aménagement des grands stades en France".