Re: Le Japon : La preuve par l'image !
Reply #143 –
Voici le premier récit de ma visite de samedi à Kamakura. Je commence ici par la visite de l'atelier de sabres.
Le sabre a toujours été étroitement lié au Japon et à son histoire. Il n'est plus employé pour la guerre depuis un siècle, mais la beauté de l'acier et le courbe de la lame continue de fasciner de nos jours.
A l'époque féodal, le sabre était considéré comme l'âme du samurai, et les maîtres forgerons étaient placés sous le patronnage direct des seigneurs de l'époque. Cette profession se trouvait à une position élévée dans la société japonaise et était entourée d'un très grand respect. Le forgeron (kaji) travaillait dans une ambiance quasi religieuse où chaque acte de sa vie était soumis à un rituel shinto. Il devait pendant son travail mener une vie ascétique, faite d'abstinence et de purification. Pour certaines étapes cruciales, il revêtait un habit de cérémonie et l'atelier se transformait en en Sanctuaire Shinto, entouré de Shimenawa (cordes de paille sacrées). Dans cette atmosphère, aucun compromis ou inattention n'est permise; toute imperfection entraînait la destruction immédiate du sabre, au mépris des longues heures passées à la produire.
Kamakura est devenue un lieu renommé pour la forge des sabres, après l'avènement de cette ville comme capitale du Japon, en 1192, sous l'impulsion du shogoun Yorimoto Minamoto. Les sabres étaient alors longs et durs, n'étaient pas facile à utiliser et étaient facilement cassables. Un jeune forgeron nommé Goro Masamune, originaire de Sagami, inventa au début du 14ème siècle un procédé permettant de combiner deux type d'aciers, rendant ainsi la lame plus souple et plus résistante.
Les aciers utilisés pour la fabrication du sabre étaient obtenus à partir d'un sable ferrugineux, fondu par réduction directe en un bloc qui, ensuite, étant brisé et refondu en petits morceaux selon leur teneur en carbone (évaluée par l'observation de la texture à la cassure). Ces aciers de différentes duretés étaient forgées en barre; chaque lingot était allongé par martelage puis plié plusieurs fois. Ce traitement pouvait se répéter de quinze à une trentaine de fois. Les barres étaient ensuite soudées puis martelées pour être mises en forme à la longueur souhaitée. Le résultat de ce processus donnait une lame composée d'aciers de différentes duretés avec un coeur plus doux, pris entre des aciers de haute résistance.
A la période d'Edo, une dizaine de forgerons étaient connus sous le nom de Masamune, mais aucun d'entre eux n'était descendant direct du fameux Masamune. Au cours de la filiation, l'un des descendants de Goro Masamune a obtenu une haute distinction de la part du Shogun Ujitsuna Hojo, et a changé son nom pour celui de Tsunahiro Yamamura.
Le forgeron que j'ai visité samedi avec l'AFJ porte également le nom de Tsunahiro Yamamura, et est un descendant direct de Goro Masamune, de la 24ème génération. J'ai eu de la chance, car jusqu'à une époque récente, l'entrée de la forge étaient interdites aux femmes. Cette interdiction faisait référence à la jalousie maladive de la Déesse envers les autres femmes...
Le prix d'une lame coûte environ 1.9 millions de yens (auquel il faut rajouter le prix de la poignée, du foureau de la garde, etc.). Il faut environ patienter deux à trois ans à partir de la commande pour recevoir son épée.
Quelques photos:
1/. Il faut battre le fer tant qu'il est chaud...
2/. Les différentes étapes de la fabrication d'un sabre
3/. Le maître brandit son sabre. Celui-ci a été fait sur mesure.
Et les autres photos: Atelier de sabres