Il y a un domaine où l'évolution est clairement inquiétante, c'est l'accès à la culture et au savoir. C'est pas d'hier et je vous conseille de regarder
ce texte qui retrace bien les trente dernières années d'évolutions sur la question des bibliothèques/médiathèques municipales, avec un poids explosif des aspects administratif un fonctionnement de plus en plus vertical et au final la désertion du cœur de métier: le contact avec le lecteur et la capacité à l'aider.
Les annonces de réforme massive des programmes scolaires du lycée et de l'organisation du Bac soulèvent de sacrés questions qui sont largement évacuées. Sachant que nous sommes dans une société dont le fonctionnement est de plus en plus dépendant d'outils scientifiquement évolués, j'ai été particulièrement surpris de lire que la réforme des programmes se traduirait par une réduction de l'enseignement des sciences. Ce qui est frappant aussi, c'est l'impression de l'abandon des systèmes de filières au profit d'options. Les filières avaient une cohérence interne, même si elles pouvaient être discriminantes. Comment cette cohérence sera conservée avec les options? De plus, ne nous voilons pas la face, sous prétexte d'assouplissement et de simplification, les filières d'excellence existeront toujours sous le nouvel habillage: Il y aura ceux qui auront le bagage social et intellectuel leur permettant de choisir les "bonnes" options (au hasard, les maths par exemple) et les autres. Étrangement, je pressent que certaines combinaisons d'options ne permettront d'obtenir les "prérequis" d'aucune université alors que d'autres les auront tous.
Concernant la réforme du bac, je ne suis pas sûr qu'elle aille dans le sens d'une égalité de traitement. Je sais bien que les filières sélectives au-delà du bac ont déjà choisi sur dossier leurs élèves avant l'épreuve. Mais avec le bac tel qu'il est actuellement, une mention peut être considérée comme identique que l'élève ait suivi sa scolarité au lycée Henri IV ou dans un lycée de la Courneuve. Avec l'adjonction d'une grosse dose de contrôle continu, c'est le caractère uniforme du bac qui risque d'éclater: Une mention bien issue d'un lycée de la Courneuve ne sera-t-elle pas l'équivalent d'une mention passable du lycée Henri IV?
En outre, l'introduction d'un grand oral interroge: Quels apprentissages seront données aux élèves pour aborder cette épreuve? Un oral surtout s'il se déroule devant plusieurs personnes, est toujours une épreuve impressionnante pour celui qui la passe, surtout lorsqu'il n'en maîtrise pas parfaitement toutes les clés et codes. Il est évident que cette épreuve va favoriser ceux qui ont le plus gros bagage culturel et social.
Je trouve très inquiétant ce qui se passe sur ces domaines, car il y a carrément une précipitation dans les réformes et les réorganisations. Mais surtout, on ne voit pas comment tout cela peut contribuer à réduire les écarts entre les élèves. Au contraire tout cela donne l'impression de vouloir construire une société où les distinctions sociales seront de plus en plus étanches pour que le fils/la fille de chômeur ou d'immigré ne puisse plus avoir accès à un bagage culturel lui permettant de casser la reproduction sociale. Et le pire, c'est que cela se fait sans débat, quasiment "naturellement" alors que les risques à long terme sur le fonctionnement de la société sont majeurs.