Attention, le problème n'est pas le néolibéralisme. C'est le capitalisme.
Entre les années 1940 et 1960 la répartition des richesses au sein du système capitaliste (au moins aux USA, en Europe de l'Ouest et au Japon) a été modifiée sous la pression du prolétariat. Le contexte en 1945 était que l'URSS avait gagné la guerre en Europe. Ceci après la guerre de 14/18 et la crise économique profonde des années 1930. Le capitalisme libéral était très affaibli: les grandes entreprises des pays occupés par le reich avait sombré dans une collaboration éhontée pour enrichir le plus vite possible leurs actionnaires. Je ne parle même pas des entreprises allemandes et japonaises dont les actionnaires ont amassé des fortunes considérables, en fournissant l'armement (Krupp, Siemens, AEG, Kraus-Maffei…), et/ou le matériel pour la solution finale (IG farben entre autres) et qui ont utilisé à grande échelle le travail forcé.
Bref, le capital était discrédité et en plus, il y avait une alternative qui apparaissait possible. Le PC faisait 40% aux élections. Pour sauver leurs miches, les capitalistes ont donc accepté de partager un peu le gâteau: ils ont accepté des niveaux de taxation élevés, la création de couvertures sociales, de salaires minimums, etc. Bref de redistribuer.
Cependant, cette concession n'était que temporaire, le temps que l'orage passe… Et c'est exactement ce qui s'est passé. Dès la fin des années 1960, les USA ont pris progressivement l'ascendant en se lançant dès la fin de la seconde guerre mondiale dans un consumérisme débridé qu'ils ont largement exporté (il fallait bien reconvertir une partie de leur complexe militaro-industriel et fournir du travail aux soldats démobilisés, d'où l'idée de créer des besoins en objets de consommation). À partir du moment où l'URSS a commencé à s'affaiblir (et le processus a débuté en 1956 avec la répression à Budapest puis s'est fait progressivement des années 1960 pour aboutir à 1989) Le capital s'est réarmé. Alors que des années 1945 à la fin des 1960, les théories Keynésiennes étaient dominantes chez les économistes, l'école de Chicago a eu les moyens financiers et politiques de diffuser ses théories néolibérales le plus largement. Le premier test grandeur nature d'application a été la dictature de Pinochet en 1973. Dans ce pays, l'ensemble des équilibres sociaux ont été brutalement modifiés au profit de la bourgeoisie: liquidation de l'état providence, privatisation, suppression des garanties minimales en matière de salaires, de santé, éducation supérieur payante, etc, etc. Ce premier test réussi sur un pays "périphérique" a permis de passer à l'application dans le pays central du capitalisme, les USA et son vassal le plus proche, le Royaume-Uni à partir de la fin des années 1970. Après des luttes plus on moins longues, les travailleurs y ont été défaits et ont globalement perdu de nombreux droits. On a ainsi assisté à l'apparition des travailleurs pauvres, la multiplication des boulots mal payés, l'augmentation irrésistible et sans fin de la pauvreté. Et forcément, dès lors que le cœur du capitalisme s'est mis à fonctionner comme cela, tous les pays n'ont eu d'autre choix que de s'adapter. Pour les pays de l'ancienne Europe de l'Est, la transition a été extrêmement brutale avec une casse délibérée et immédiate des structures économiques et sociales (voir par exemple comment la RFA a vendu à l'encan tout le tissu industriel de la RDA, créé des länder qui ne correspondait à aucun découpage antérieur, cassant en une poignée d'années tout le tissu économique et social. Le nom de la structure chargée de la vente des actifs, la Treuhand a d'ailleurs un fort parfum de scandale affairiste.)
Certains pays ont un peu de retard sur le processus, comme en France, en raison de luttes locales, mais ici aussi, il y a un démantèlement de l'État social: l'école, l'hôpital, etc sont sous-financés. Les inégalités s'aggravent sans cesse. La couverture sociale se rétrécie de plus en plus vite au fil des "réductions de charges" (comprendre diminution de la part socialisée du salaire donc baisse de salaire en fait) et il est probable que le virus va permettre de porter le coup de grâce à la sécurité social telle que nous la connaissons, au profit d'assurances privées. Il est probable que le CDI soit bientôt vidé de sa substance, comme l'a été le statut du fonctionnaire en 2019.
Les seuls gains que le monde du travail a pu obtenir, c'est par la lutte, car la répartition des richesses est un rapport de forces. Les salariés ont obtenu le droit de s'organiser en se battant pour leurs conditions de travail et la IIIe république a dû plier et abolir la loi Le Chapelier qui datait de l'époque révolutionnaire. Cette même république a dû, sous pression, accorder les congés payés en 1936. En 1946, le gouvernement provisoire a concédé la sécurité sociale sous la pression des ouvriers, etc, etc. Et c'est bien sous la pression de la rue que Macron a abandonné la taxe carbone, dont il s'avère que proportionnellement elle aurait beaucoup plus largement frappé les pauvres que les riches… Ce qui est logique puisqu'il s'agit d'une taxe sur la consommation (comme la TVA) Or plus on est pauvre, plus la part du revenu dépensée en consommation est élevée, alors que plus on est riche, plus la part de l'épargne domine dans le revenu.
Moi, je vois très bien l'orientation qu'il faut prendre pour réformer la société dans un sens plus juste. Mais c'est juste que ça sera pas un chemin semé de pétales de roses… Mais ça on le sait depuis Marx et la Commune.