Re : Potes 'n' Profs - Toi aussi, monte au clash avec le corps professoral!
Reply #46 –
Je reviens à ce que je disais sur les media. C'est assez dingue de constater qu'aucun media ne fait un dossier profond et sérieux sur cette réforme. On a, au mieux, des micros-trottoirs qui donnent la parole aux enseignants, parfois à d'autres personnels. Sinon, c'est une vulgarisation caricaturale des tracts syndicaux... Et au pire, on a les articles de l'Obs, du Monde ou de Libé qui sont clairement en train de gober le message ministériel et de ses lieutenants pédagos.
Hier, j'ai passé un moment à expliquer la réforme, dans un premier temps objectivement, dans un second temps subjectivement -ce que nous trouvons dangereux, vain, non évoqué...- et j'ai surtout dit aux parents de chercher à comprendre cette réforme... Or ces derniers ont quoi pour véritablement s'informer ?
De la pravda de pseudo journalistes qui ne cherchent même plus à enquêter sérieusement.
Comme tu le relevais, MCL, la plupart gobent le message de NVB sur la suppression inégale sur le territoire entre les "bilangues de continuité" et "celles de contournement". C'est un scandale.
Il faut comprendre quelque chose, il existe effectivement dans le décret de la réforme, paru en 2015, une mention de maintien de ces bilangues de continuité, cela correspond à des établissements primaires où on peut effectivement enseigner une seconde langue autre que l'Anglais. Et, je ne me souviens pas si je vous avais alerté ici, mais j'avais déjà dit que cette mesure était censé justement favoriser Paris et les centres urbains aisés.
Dans les académies rurales et dans les territoires en difficultés de la France, ce bilangue de "continuité" ne peut PAS être justement en place car le personnel des écoles primaires n'est généralement pas assez installé et doté. Les écoles et les collèges ruraux, comme les écoles et les collèges de régions fragiles, ont des turnovers importants car ils absorbent les enseignants les plus jeunes qui, par tropisme social ou par volonté de travailler dans de meilleures conditions, voudront pour la plupart revenir en ville. La mise en place d'une structure lourde et exigeante comme l'apprentissage d'une tierce langue ne peut pas se faire dans ces conditions.
Surtout que la suppression des bilangues est tombée comme une enclume. Comme je l'avais expliqué l'année dernière, les inspecteurs généraux n'avaient pas recommandé cette solution dans leur rapport sur la classe bilangue. Tout le personnel enseignant a été pris de cours.
C'est ahurissant de ne lire aucune analyse qui évoque ce que je sais. Je suis syndiqué, ok, je suis imparfait, ok, mais je ne pense pas raconter des salades.
L'autre aspect, jamais évoqué dans les media, mais qui fait rage dans nos réunions c'est la volonté sous-jacente de subordonner définitivement les connaissances aux compétences. Nos relais, en Histoire/Géo/EMC, nous disent de plus en plus et même nous imposent de placer la connaissance au second plan. Viscéralement, je ne le pourrai pas, c'est un non sens intellectuel. Comme l'évoquait FB, je ne fais pas de l'élève un consommateur ou un "outil", je fais de l'élève aussi quelqu'un d'éclairé. Et je ne crois pas à ceux, l'essentiel des enseignants ne croient pas, qui pensent que l'accès à Wikipedia justifie l'abandon de l'enseignement des connaissances. Notre cerveau a besoin de se construire autour des savoirs, savoirs-être et faire.
C'est même criminel car les parents enseignent de moins en moins les connaissances académiques et souhaitent de plus en plus que les interactions avec leurs enfants soient ludiques. Si on ne le fait pas, plus personne ne le fera.
Autre chose qui m'insupporte, c'est ce ton pédago pédant des hauts fonctionnaires qui parlent de "logique spiralaire et curriculaire" à imposer. La logique spiralaire, c'est d'enseigner quelque chose et d'y revenir régulièrement en ajoutant des éléments supplémentaires. La logique curriculaire, c'est de penser que l'élève n'a pas besoin de maîtriser une compétence à l'instant T-1 ou 2 ou 3 mais à l'instant T, soit la fin d'un cycle.
Je tombe des nues quand j'entends que c'est une nouveauté. Ce qui est vrai, c'est que les enseignants ne réfléchissent pas sur trois ans... Cependant, elle a toujours existé. En maths, quand on apprend les fonctions, que je sache, on commence par la fonction linéaire, pas par les intégrations ! En histoire géo, quand on travaille sur la citoyenneté athénienne en 6e, on ne s'attarde pas sur les structures de pouvoir, en seconde, si ! Dans les compétences, quand je demande aux élèves d'analyser une image en 6e, je n'ai pas la même exigence dans le vocabulaire et la rigueur que les 3e !
On nous prend vraiment pour des incompétents notoires et je ne le supporte pas !
D'autant moins qu'à côté, c'est nous qui devons mettre en oeuvre cette réforme, c'est nous qui inventons les réels contenus de choses dont nous n'avons pas voulu. C'est nous qui devons faire en sorte que les EPI existent. C'est la prof d'Allemand qui va devoir faire en sorte d'intégrer des bilangues dans des nouveaux LV2. C'est la prof d'Espagnol qui va devoir essayer de trouver un moyen pour que les 4e de l'année prochaine arrivent au plus vite au niveau qu'ils sont censés avoir selon le nouveau programme (qui prévoit une LV2 en 5e, or cette année y'en a pas).
Ca m'énerve. On passe pour des cons. Beaucoup disent qu'on ne sait pas ce qu'on veut. J'aimerais quand même que les journalistes fassent leur putain de métier et que l'opinion publique comprenne que nos intérêts personnels sont loin d'être nos principales motivations.