Ben j'ai toujours pensé qu'il fallait avoir les bons outils (savoir-faire) et les bons matériaux (savoirs). Et que ça ne servait à rien de faire une cheminée tant qu'on a pas commencé par les fondations.
Or les programmes ne pensent plus vraiment ainsi. Si les concepts sont super-intéressants en soi, ils sont abscons pour l'essentiel des gamins.
C'est con et cruel (élitiste ?) mais les concepts, les compréhensions de système, ça ne marche que pour une minorité. Et encore, même moi je ne suis pas capable de tout comprendre.
De fait, à l'école, en primaire et au collège, on devrait se borner à donner aux élèves des connaissances générales et des savoir-faire utiles (lire, décrire, expliquer, critiquer le plus large panel de documents). Et surtout, il n'est absolument pas utile d'aborder l'histoire et la géographie avec la rigueur scientifique actuelle.
Nous enseignons la géographie comme la Nouvelle Géographie, c'est à dire en tant que système socio-spatial. Avant 15 ans, c'est vain. Bien que nos études de cas sont toujours très concrètes, ce n'est pas ce qui sied aux enfants de cet âge. Ils n'ont pas la capacité de conceptualisation des faits qu'ils étudient. Enfin, si, mais ceux qui y arrivent ont au préalable une culture supérieure à celles de leurs pairs... Et cela revient à ce que l'on dit, bien que cela sonne conservateur, il faut des connaissances de bases.
En histoire, je ne comprends pas pourquoi en primaire on ne travaille pas simplement sur des tableaux de la vie quotidienne... Je serais même un hérétique en proposant d'enseigner l'histoire en primaire en commençant par les époques les plus proches pour finir par les plus lointaines.
En d'autres termes, on part d'une famille en France dans les années 1980. Et on se rend compte qu'il existe quelques permanences mais aussi que beaucoup de choses ont changé. Cela permet d'introduire la notion d'évolution (là par le progrès technique par exemple). Les enfants peuvent s'appuyer sur leurs parents. Puis ans les années 1950. Là, ce sera au tour des grands parents. On évoque la politique à l'époque, quelques exemples de société... Et voilà, l'histoire est abordée et approchée. Après, nous pouvons parler de la France à l'époque industrielle, pendant la Révolution... Pourquoi pas sortir un peu et aussi parler de la Révolution américaine. Redescendre encore et de parler de notre commune à l'époque moderne. Et ainsi de suite jusqu'à la préhistoire en se concentrant sur la cellule que les enfants connaissent le mieux : la famille.
Pas besoin d'en faire beaucoup plus. L'histoire sera abordée différemment au collège. Puis de manière plus scientifique au lycée.
Mais non, il faut enseigner "le temps des mérovingiens" avec les maires du palais de l'Austrasie. Quand on me parle de ça j'arrête pas de dire à mes collègues ou ceux de primaire "mais arrêtez ! Dans l'histoire de France, c'est une ligne ! Ne vous prenez pas la tête avec ça !"
Mais hein, c'est le programme. Pensé par des personnes qui n'ont jamais connu le secondaire.
Prenez l'exemple de la directrice générale de la DGESCO (ceux qui font les programmes, les exams...), elle a fait l'école normale, a passé l'agreg, a fait son année de stage, un an en secondaire puis a été nommée prof en prépa. Quelle vision de l'école a-t-elle ?
Forcément, dans son parcours, elle n'a connu que des élèves brillantissimes. Et c'est pourquoi elle explique crânement que les enfants "savent très bien apprendre sans le professeur" ou que "la pédagogie des îlots devrait être renforcée et généralisée". Elle n'a jamais connu un élève lambda. Elle ne sait pas ce que c'est.
C'est un peu comme un jeune enseignant, ou même un adulte qui a fait des études longues, il voit l'école avec la distortion de sa réussite/son parcours. Il ne se rend pas compte qu'il était, dans une classe, une rareté. Ou alors si la classe était excellente, les autres ne l'étaient pas du tout. La première chose que l'on apprend dans le métier, ce n'est pas l'autorité ou autre, c'est le désenchantement : nos souvenirs n'ont rien à voir avec la réalité, il existe une différence monumentale entre ce que le programme prétend et ce qu'un élève lambda pourra assimiler.
Cependant, au lieu de faire ce constat et de dire "nous sommes allés trop loin". Au lieu de remettre en cause l'unicité des apprentissages, on caricature les évaluations nationales. Et ainsi, la réussite est là. Du moins en statistiques.