Re: Faits divers et compagnie
Reply #71 –
Tu compares le mouvement révolutionnaire, et ces émeutes stupides pour voler et pour se montrer sur facebook...
Sauf que les mouvements révolutionnaires qui ont abouti n'ont pas été bien proprets. Les événements révolutionnaires sont aussi tous passé plus ou moins par des émeutes et des pillages. Il ne faut pas l'oublier… Une révolution est pour partie constituée d'une émeute qui est allée un peu plus loin, un peu plus fort que les autres, et a détruit l'ordre établi.
Oui mais ils avaient un 'but'. Ici, si il y'avait un incident en amont et une manifestation (pacifique, celle là) qui a suivi, les mises à sac qui ont suivi n'avaient aucune revendication si ce n'est mettre à sac et faire le fier.
Qu'il y ait des tensions nées d'injustices sociales ou que sais je d'autre ne doit pas servir d'alibi dans la mesure où ces "émeutes" n'ont au final servi personne, encore moins les victimes de cette pression sociale qui eux, font l'effort de chercher à s'en sortir.
Mais non, l'histoire n'est pas écrite d'avance. Qui aurait pu croire le 14 juillet 1789 au petit matin que la Bastille serait prise? Qui aurait pu penser, même dans ses rêves les plus fous, au même moment que le roi ne serait plus roi 3 ans après ? Oui, il y avait des idées politiques, mais ce qui a fait chauffé le tout, c'est la misère, le désespoir, l'absence de perspective d'amélioration. Et il y a un moment où, sans qu'on sache pourquoi, "ça pète". Et quand ça pète, c'est rarement proprement, entre République et Nation avec un joli service d'ordre organisé. Il y a des morts, des blessés et des dégâts.
Après, les gens qui "font l'effort", moi ça me fait doucement rigoler ce genre de discours. Quand on voit que certaines régions françaises ont été totalement sinistrées socialement par le claquement de doigts d'un industriel qui délocalise parceque ça lui rapporte plus ailleurs. Le Nord et l'Est ne s'en sont jamais relevés, pas plus que certains secteurs de Normandie, et la Seine-Saint-Denis ne remonte petit à petit la pente que par sa proximité immédiate avec Paris. Les gens qui se retrouvent dans ces coins, quelles perspectives ils ont? Par la loi de l'offre et la demande, il y a des masses de travailleurs sans emploi d'un coup, et un nombre d'offres d'emploi qui se restreint (la fermeture d'une usine, ça fait plonger aussi des petites entreprises, des artisans et des commerces autour du fait de la perte de revenu global par tête) Ceci sans que les emplois proposés sur la région correspondent au profil des chômeurs. Alors, bien sûr, on peut dire aux gens: Ici, il n'y a plus de boulot, partez ailleurs refaire votre vie. À 30 ans, ça peut se concevoir… À 50 ans, à part quelques motivés, j'y crois pas un instant. Alors qu'est-ce qu'il reste? Le chômage, le RSA, les petits boulots de caissiers en grande surface ou autre. Et comment prouver à un gamin l'intérêt de s'en sortir honnêtement, si le père est au chomdu, la mère caissière à Carrouf', et le grand frère serveur au Mac Do'? C'est ça avoir une perspective?
Je vais vous dire aussi quelque chose d'assez cynique, mais sur la région Languedoc-Roussillon, la suppression du RSA ferait des dommages économiques (en particulier aux commerçants en activité, grandes surfaces incluses, en rendant insolvable une partie de leur clientèle) supérieurs à ceux que provoqueraient la disparition totale de la viticulture de la région… Et il ne faut pas oublier que quasiment toutes les régions françaises (hors Île-de-France, qui est exportateur massif de financements) vivent pour une bonne part de ce que l'on appelle pudiquement "l'économie résidentielle", qui n'est ni plus ni moins que la redistribution des richesses par les dispositifs sociaux (pensions de retraite, RSA, allocations, etc.), ces sommes sont ensuite injectées dans l'économie locale par le biais de la consommation des ménages concernés, et font indirectement vivre le commerce et l'activité locale.
Bref, on est dans un système complétement dingo, où il y a parfois intérêt filer des cacahuètes à des gens pour qu'ils survivent en en faisant vivre d'autres plutôt que d'essayer d'atteindre le plein emploi.
Mais de grâce, si vous me contredîtes, évitez de la faire sur des sujets lesquelles j'ai bossés à l'université.
Donc sur ces sujets tu as la sainte parole ?
Je ne me permettrais pas de contester ton savoir sur un point de droit, car c'est toi qui fait des études sur le sujet, pas moi, sauf bien sûr à avoir des billes sérieuses derrières. Ce que Flavien dit (simplement, mais directement), c'est que si tu veux discuter sur la base de la Révolution Française, qui est une période qu'il connaît bien, tu dois étayer ton discours d'arguments qui ont historiquement un sens.
C'est ça.
Et je tiens à insister sur le fait que j'ai fait le parallèle avec la Révolution française parce que les historiens ont beaucoup travaillé sur les sans culottes et les mouvements parisiens... Dans la grandeur et dans la décadence. Le phénomène de groupe, l'humeur, la rumeur, la pulsion nihiliste, on la retrouve tout le temps. J'aurais pu citer aussi les émeutes paysannes du XVI et du XVIIe... S'organisant d'un côté à cause d'une crise... Mais surtout d'une rumeur souvent non fondée qui se répand comme une traînée de poudre et mobilise des dizaines de milliers de paysans prêts à faire des choses que tu n'oserais pas savoir. Je peux aussi évoquer les Circoncellions d'Afrique romaine qui profitaient du schisme entre les chrétiens orthodoxes et les donastites pour piller et massacrer des villageois !
Il ne s'agissait pas de dire que les émeutes britanniques étaient un prémice à une révolution ou porteuses d'un message qui fera écho dans plusieurs siècles. Il s'agissait simplement de dire que ces mouvements d'humeurs, que certains trouvent inhumains, sont légions dans l'histoire... Et en particulier à des périodes supposées glorieuses.
C'est au contraire, donc, très humain et peu surprenant. Ces foules ont chacune leurs logiques, bonnes, mauvaises compréhensibles...
Et elles portent plusieurs messages à travers l'extrème violence. Un ras le bol, une anomie, un désert social...
Il faudra évidemment mettre l'appareil répressif en oeuvre... Mais si on ne fait que ça, si on se borne à parler de voyous imbéciles... L'histoire se répétera.
Et là peut être que ce sera bien plus grave...