Bon histoire de remettre un peu les choses sur les rails plus "correctes", grosso modo mon avis sur le film.
En fait il justifie presque tous les choix entrepris dans Batman Begins, en particulier l'absence d'esthétique de Gotham City que pas mal de fans de Burton lui reprochait.
Mais dans TDK Nolan montre une ville qui est bien plus qu'un simple décors où des fous déguisés se tape dessus, Gotham est un personnage à part entière vers lequel tous les enjeux convergent. Si Joker vers la fin du film dit que la "folie, c'est comme la gravité, il suffit d'une pichenette pour que tout parte en vrille", je trouve que c'est aussi applicable à la ville elle même. Les pichenettes étant l'ensemble des personnages œuvrant pour faire bouger les choses, en particulier le carré Gordon-Batman-Dent-Joker. Nolan pousse la personnalisation de la ville au point de la livrer un dilemme extrême qu'aucun des quatre autres ne peut influer dans un moment de tension vraiment grisant.
De ce fait à un moment j'ai été plutôt déçu du fait qu'on perdait dans ce film l'image iconique de Batman (on a plus des scènes comme les chauve souris à l'asile, les "Batman poseur en haut de building") pour une autre plus terre à terre. Au final ça fait corps au récit et montre une ville qui a perdu de sa fascination pour son héros, qui commence à s'en méfier. En cela j'ai toujours pensé que les scènes de combats "fouillies" de Begins s'inséraient dans la logique narrative du film. Pour exprimer la fureur de Wayne (contre les prisonniers au début) ou pour montrer la peur et la confusion des bandits qui se font cogner dessus par un mec qu'ils voient à peine (là où les affrontements contre ninjas ou Ducard sont plus limpides). Dans TDK on retrouve un peu de ça aussi. Des fights limpides au début qui s'emballent à mesure que Batman serre les dents de rage.
J'ai parlé d'un carré principal plus haut, en fait le scénar du film est tel qu'on peut décider arbitrairement d'un personnage central tant on peut le vivre sous le regard de chacun d'entre eux.
Est ce l'histoire d'un criminel qui met le crime à ses genoux et tente de tailler une ville à son image ?
Celui d'un procureur ambitieux qui chute au sommet de sa gloire ?
D'un héros qui porte de plus en plus mal son masque ?
Celui d'un flic qui veut à tout prix nettoyer sa ville du crime ?
TDK c'est au moins 4 histoires en une (sans compter le point de vue Gotham City) qui font corps où les personnages sont pris dans une maille qui les lie les uns aux autres. Ces quatre là en particulier se croisent tout au long du film et chacun a son influence sur l'autre. D'ailleurs on retrouve pas mal de bras de fer mentaux entre ces personnages, en particulier quand le Joker est l'un des protagonistes (le commissariat, l'hôpital), où quand l'affrontement idéologique complète l'affrontement pur.
Mais les personnages plus "secondaires" ont aussi leur importance, Rachel est un détonateur, Fox est le tampon moral de Wayne, Alfred encore et toujours celui qui relève.
Parfois même un personnage qui n'apparaît que 2 minutes peut avoir des conséquences immenses, comme cette ballerine présentée comme une énième conquête de Wayne qui au détour d'une conversation anodine avec Dent secoue carrément Wayne et lui fait voir de nouvelles motivations qui se montreront capitaux par la suite.
Après si on prend les personnages individuellement, outre Gordon et Batman bien connus, Joker est celui que j'attendais, le personnage cruel, masochiste aux farces macabres balancées sans excès. J'ai beaucoup aimé que Nolan reprenne quelques ficelles Mooriennes du personnage quand il s'agit d'aborder son passé.Ledger est incroyable, et on sent un personnage soigné jusque dans les moindres mimiques (la démarche en sortant de l'hôpital, la scène de la réception, celle du meeting avec les têtes de la pègre).
Et la plus grosse surprise : Aaron Eckhart. Que ce soit sous les traits du procureur gonflé d'assurance (le procès et la pique "made in China", "I make my own luck"), au pétage de plombs il est bluffant. Une amie m'avait prévenue qu'il me surprendrait alors que je n'étais pas super emballé... je lui doit donc une glace. Le maquillage de Two Face est inouï (ceux qui ont eu la mâchoire qui pendait quand vous avez vu la "photo prototype", préparez vous à ramasser vos dents, c'est encore plus violent), et la chute psychologique du héros est à la fois saisissante et bouleversante. Ce que Lucas et Christensen n'ont pas été fichus de faire avec Anakin/Vador, Nolan et Eckhart le réussissent haut la main. A noter d'ailleurs, et je pense que c'est plus volontaire que le coup de pied mis au derrière de Lucas, une petite pique malicieuse adressée à Burton lors de l'affrontement final entre Joker et Batman. :p
En vrac, les scènes d'action moins longues de Begins sont plus efficaces et réussies. La course poursuite en Batmobile/Batpod est à hurler de bonheur. De même la haute voltige à HongKong donne le vertige et le séquençage de la prise d'assaut finale entre pains dans la gueule et vue "sonar" est grandiose et participe beaucoup à l'envolée épique de la scène. Quelques petites touches d'humour bien sur de la part de Fox et Alfred pour rester dans la continuité de Begins auxquelles s'ajoutent une dose d'humour noir, peut être plus "sadiques" comme celles made in Joker ou Batman lui même qui nous refait un remake de l'interrogatoire "musclé".
Voila... assez dur de parler de ce film en détail sans faire 30 pages tant il est riche. Nolan pousse son concept de polar noir avec superhéros à son paroxysme et offre un grand film à la fois bien ficelé et spectaculaire comme il le faut. Le film n'emprunte pas la narration "Nolanienne" jouant admirablement au yoyo chronologie au profit de quelque chose de plus classique, mais les coups de théâtre sont là. Même si je dois reprocher au film certaines choses (comme certains rebondissements ou "j'avais anticipé qu'il ferait ça donc je le piège" un peu trop "téléphoné"), 2h30 défilent à vitesse grand V et si je regrette que sa dernière partie n'ait pas été gardée pour un 3e épisode, les derniers instants du film qui expliquent son titre "The Dark Knight" sont vraiment poignants.
En fait tout le dénouement est d'une grande intensité.
Dark Knight n’est pas le film que j’attendais… il est bien plus, il a fait bien plus. Reste la question « what’s next ». Il y’a quelques perspectives intéressantes à exploiter, je pense que si Nolan en est conscient, à voir donc si il décide de faire ce 3e. En tout cas avec le succès à la fois critique et financier du film (rentabilisé en 4 jours), Warner va se mettre en quatre pour le convaincre. Mais tout dépendra au final de son frère et de Goyer.