Bon, j'en parlais dans un autre fil, je me fais une orgie de comics et je ne tombe que sur des perles.
Pour commencer, la serie Spiderman. Pas forcement mon heros favori, le loser bavard ecrase par ses responsabilites est un peu fatigant. L'histoire intitulee Coming Home constitue une analyse interessante de ces piliers. L'idee de depart est toute bete : le Tisseur songe a son enfance, a sa passion pour les sciences et decide de devenir prof pour changer les choses. Bien sur, le monde tel qu'il l'a connu est passablement different de l'actuel. Surtout, il tombe sur un mysterieux bonhomme avec des pouvoirs identiques aux siens lui posant la question a 100 points : d'ou viennent tes pouvoirs ? Toi qui es un scientifique, peux-tu prouver que ce sont les radiations qui ont cause une mutation chez l'araignee puis chez toi apres morsure ? Ou est-ce un mythe auquel tu te raccroches ? Il va sans dire que le monde s'ecroule sous les pieds du brave Peter. Ca, plus le charmant bonhomme qui en veut a sa vie et constitue son absolu contraire (impassible, infatiguable, econome en mots, denue d'ego...), donne une histoire vraiment sympathique qui redefinit les origines de l'Araignee en leur offrant une dimension tres differente (attention, ca ne plaira pas a tout le monde !).
Plus consensuel, et veritable chef d'oeuvre, Spiderman: Blue. A une epoque indeterminee, Peter raconte par dictaphone ses debuts et comment il a failli ne jamais tomber amoureux de Gwen Stacey. Le lecteur connait tous les elements ou presque, notamment comment finit la romance, mais ce n'est pas ce qui importe. Ce qui fait le prix de l'histoire, c'est sa narration. L'histoire du passage a l'age adulte, de la perte de l'innocence, du fardeau du deuil, des differentes facettes de l'amour. Le duo Loeb-Sale, celebre pour avoir commis le magistral The Long Halloween et sa suite (Dark Victory) se surpasse. Les graphismes particuliers, dont je n'ai jamais ete fan, fonctionnent incroyablement bien. Des tons de bleu et de gris, ou les apparitions de la tres blonde Gwen ou de l'ardente MJ n'en tranchent que plus. L'utilisation d'a-plats et de couleurs marquees implique le lecteur de maniere viscerale. A tel point que ce sont les planches muettes qui en disent le plus long sur les personnages, les etats d'ame, l'atmosphere. Et la conclusion, attendue, connue, m'a pourtant arrache des larmes. A avoir absolument dans sa bibliotheque !
Enfin, dans un autre registre, Marvel a propose des versions "noires", comme dans "polar", de ses heros. Si Wolverine et les X-Men sont de francs ratages, Spiderman est une grande reussite et Daredevil un autre chef d'oeuvre. Pour Spiderman, tout se passe en 1929, Tante May est un agitatrice socialiste, son neveu un paume qui recupere ses pouvoirs de facon bizarre et en veut au monde entier (facon Batman jeunes annees), et tout le reste de la galerie est tres, tres differente. Felicia Hardy gere le plus grand claque de la ville, facon Pingouin, tandis que Norman "Goblin" Osbourne regne sur la pegre, accompagne de ses sinistres acolytes Adrian Toomes et Kraven. Et la reecriture de ces quatre personnages est siderante. Black Cat en femme fatale fonctionne du tonnerre, et le Vautour est simplement effroyable, a donner des cauchemars. La suite de ce Spiderman Noir, centree sur Otto Octavius, n'est pas denuee de charme (surtout le developpement de la relation Peter-Felicia), mais fonctionne moins bien. Cette fois, l'ennemi est le Reich et ses affides du KKK, autour de la bataille pour l'egalite des droits des Noirs. L'ambiance rappelle beaucoup Artic Nation de Blacksad, pour les connaisseurs. Il va sans dire que les graphismes sont au diapason de l'ambiance.
Mais la perle de la collection, c'est Daredevil Noir. J'avoue, le personnage m'indiffere royalement et je n'ai jamais lu d'histoire avec lui avant. Cette nouvelleg raconte en bref les debuts de Matt Murdock et comment il se retrouve implique dans une guerre des gangs entre Wilson Fisk et un rival envers lequel il devrait avoir des raisons d'eprouver plus que de l'antipathie. Le tout avec une femme fatale, amante en titre dudit rival, qui vient demander protection a Murdock et qui ne manque pas de le secouer jusqu'au plus profond de lui. Les ingredients classiques d'une histoire du genre, mais c'est ce qui fait la beaute de la chose. La conclusion est epoustouflante, et surtout, les graphismes sont a tomber par terre. Chaque apparition d'Eliza, ladite femme fatale, est d'une beaute exceptionnelle. Son teint de porcelaine tranche avec les tons de gris, les infinies nuances de noir et de marron qui composent l'image en trame. De meme pour Fisk, qui n'a jamais ete aussi charismatique visuellement. Et Daredevil n'est pas presente comme un surhomme mais la victime d'une malediction : oui il peut esquiver les balles, mais le bruit des coups de feu est une laceration permanente. Les interactions sociales sont une agonie, il sait ce que les gens pensent par le ton de leur voix, leur rythme cardiaque, leur odeur, etc. Il est normal qu'il soit en rouge, comme le sang de ses adversaires, comme le feu qui le devore, comme la douleur qu'il subit. Un magnifique hommage au polar et une ode astucieuse au genre graphique, a consommer sans moderation.