Comment être sur que tout va bien?… Le meilleur moyen est de casser le thermomètre:(cliquez pour montrer/cacher) Bébés sans bras : la lanceuse d'alerte Emmanuelle Amar a reçu sa lettre de licenciement
Le 28/10/2018 à 21:11 mis à jour à 22:14
Convoquée mardi, la directrice du Remera, Emmanuelle Amar, a ainsi reçu son courrier vendredi. / PHOTOPQR/OUEST FRANCE
Alors que la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a annoncé il y a une semaine que les financements des registres des malformations seraient maintenus, la procédure de licenciement des cinq contractuels travaillant au sein du registre rhônalpin - le Remera - suit son cours. Les courriers annonçant ces licenciements ont été envoyés cette semaine à la suite des entretiens préalables.
Convoquée mardi, la directrice du Remera, Emmanuelle Amar, a ainsi reçu son courrier vendredi. « L’équipe est à ramasser à la petite cuillère ! », nous a indiqué ce dimanche Emmanuelle Amar. Gestionnaires du Remera, les Hospices civils de Lyon ont assuré que tout était mis en œuvre pour trouver un reclassement aux cinq contractuels du registre concernés par ces licenciements. «D’un côté, le ministère de la Santé annonce qu’il va y avoir une enquête sur le cluster de l’Ain et on se projette dans cette perspective et, de l’autre, on nous demande de nous projeter dans un nouveau poste ? Comment voulez-vous faire ? Ce n’est pas jouable », estime Emmanuelle Amar.
La polémique
Le 4 octobre, Santé publique France (SpF), autorité de tutelle du Remera, avait annoncé qu’elle reconnaissait bien qu’il existait des regroupements (clusters) de bébés nés sans bras en Bretagne et en Loire-Atlantique mais pas dans l’Ain, à Druillat, comme l’affirme pourtant le Remera. SpF avait précisé que l’origine de ces malformations demeurait inconnue et que la seule mesure mise en œuvre était une surveillance renforcée sur les deux secteurs de l’Ouest de la France.
Une décision remise en cause donc, dimanche dernier, par Agnès Buzyn, qui a annoncé une étude conjointe des ministères de la Santé et de l’Environnement sur les trois clusters.
Entamée le 16 octobre, la procédure de licenciement des salariés du Remera a été mise en œuvre pour cessation d’activité, au 31 décembre 2018, car le registre s’est vu signifier l’arrêt de ses principaux financements. Jusqu’en 2017, ses principaux financeurs étaient la Région Auvergne Rhône-Alpes pour près de la moitié du budget (100 000 euros), Santé Publique France (SpF) (80 000 euros), l’Inserm (30 000 euros) et l’Agence nationale du médicament (30 000 euros) soit un total de 240 000 euros. Mais en 2017, l’Inserm a annoncé l’arrêt de sa subvention, suivi par la Région. Les subventions ne sont pas versées directement à l’association Remera mais aux HCL qui avancent, depuis deux ans, les fonds nécessaires mais ne peuvent se substituer aux financeurs actuels. Les HCL sont l’employeur des salariés du registre sous la forme de contrats à durée déterminée (pour deux d’entre eux) et à durée indéterminée (pour trois d’entre eux).
La directrice critiquée par les agences de santé, soutenue par les médecins locaux
Aujourd’hui, la situation semble inextricable. Elle est l’aboutissement de plusieurs années de tensions entre la directrice du Remera et ses autorités de tutelle, l’Inserm et SpF.
Pour justifier l’arrêt de son financement, l’Inserm a mis en avant la faible exploitation scientifique des données du registre et le refus de la directrice de se soumettre à une évaluation dont celle-ci conteste le bien-fondé. Ces griefs, réitérés à plusieurs reprises par l’institution, ont pris une tournure plus personnelle et polémique, il y quelques jours, quand Ségolène Aymé, présidente du Comité d’évaluation des registres et ancienne directrice de recherche à l’Inserm, a estimé que « Mme Amar est la seule responsable de cet enchaînement d’événements », dans un courrier adressé à quelques journalistes et parlementaires. Le conseil scientifique du Remera - composé de plusieurs médecins dont le Pr Olivier Claris, président de la commission médicale d’établissement des Hospices civils de Lyon – a diffusé en retour une lettre publique pour « apporter le démenti le plus ferme aux attaques odieuses dont Remera et sa directrice générale, Madame Emmanuelle Amar font l’objet ». Si l’Inserm et SpF mettent en cause la valeur scientifique des travaux du Remera, ce n’est pas le cas des médecins des HCL qui louent le travail effectué par toute l’équipe du registre rhônalpin dont Emmanuelle Amar.
"Une campagne calomnieuse"
Mais la personnalité et les méthodes de la directrice du Remera sont aussi clairement mises en cause par Santé publique France dont le directeur François Bourdillon a dénoncé, le 19 octobre, une « campagne calomnieuse », pointant du doigt « une association qui joue à un jeu extrêmement personnel ». Le directeur de SpF a indiqué que l’institution n’avait pas l’intention d’arrêter de financer le Remera et qu’il était « inconcevable qu'un registre qui a plus de 25 ans s'arrête ». Cependant, à ses yeux, le financement de la structure doit être « maintenu dans des conditions scientifiques qui soient claires ». Il laisse sous-entendre que le soutien de SpF devrait se faire avec une autre équipe. « Cela ne peut pas être poursuivi avec une autre équipe. Le licenciement se fait pour perte de poste donc les HCL ne peuvent pas prendre quelqu’un d’autre. Il faudrait que cela soit à la suite d’une faute et ce n’est pas le cas. SpF méconnaît le droit et le fonctionnement du système associatif », rétorque Emmanuelle Amar.
Les mamans des enfants de l’Ain «veulent se réunir»
L’autre question en suspens est le devenir des données du Remera alors que SpF a également annoncé sa volonté de fédérer les six registres de malformations existant en France pour lesquels il n’existe actuellement aucune homogénéité de fonctionnement. « La base de données appartient au registre mais pas les données. On peut les remettre à SpF mais à quoi cela sert d’avoir des données brutes sans les références ? », s’interroge Emmanuelle Amar. Depuis l’annonce d’Agnès Buzyn, l’équipe du Remera n’a été contactée par aucun chercheur ou représentant d’un ministère. « Je ne peux pas imaginer que la ministre de la Santé n’était pas sincère quand elle a fait ces annonces mais j’ai le sentiment qu’elle n’a pas la main sur ses propres agences. Je suis inquiète pour les institutions de santé », conclut Emmanuelle Amar qui précise être très sollicitée par les familles des enfants nés sans bras dans l’Ain. Selon la directrice du Remera, « les mamans des sept enfants veulent se réunir pour discuter entre elles et peut-être créer une association ».
Sylvie Montaron
On peut remarquer le travail main dans la main dans cette histoire des "autorités indépendantes" (gangrenées par les conflits d'intérêt multiples de leurs membres), potentiellement de l’État, mais aussi de la région Auvergne-Rhône-Alpes et de son sympathique président Wauquiez.
Plus globalement, de nombreuses missions d'évaluation, de prospective et de recommandation ont été confiés, depuis 30 ans, à des bureaux d'études issus de délégations de services publiques. Les administrations devaient supprimer leur service statistique (ce qu'elles n'ont jamais vraiment fait), octroyer un contrat objectifs moyens à ces bureaux d'études. Ce sont par exemples les ORS (observatoire régional de santé) dont Audrey une des épidémiologistes. Mais on a aussi d'autres associations qui ont, jusqu'au début des années 2010, plutôt bien survécu grâce aux financements des administrations déconcentrées et surtout d'autres services et les collectivités territoriales, utilisant la clause de compétence générale.
Sauf que depuis Sarko, le régime est de plus en plus sec. De plus, comme pour le REMERA, les problèmes de compatibilité sont fatals. Je ne sais plus si c'est l'ORS Normandie ou Picardie ou NPDC mais l'un d'eux a fermé car le DG de l'ARS de la région ne supportait pas le directeur de l'ORS. Ainsi, de nombreuses associations, bureaux d'études ont fermé… Sans que cela soit bien un problème de concurrence ou de performance… Et la fusion des régions n'a pas entraîné une amélioration de la situation, loin de là...