Sida : Benoît XVI renforce la position de l'Eglise contre le préservatif
LE MONDE | 18.03.09 | 15h06 • Mis à jour le 19.03.09 | 09h29
YAOUNDÉ (CAMEROUN) ENVOYÉE SPÉCIALE
Acclamé par des milliers de personnes tout au long de son parcours entre l'aéroport de Yaoundé (Cameroun), où il est arrivé mardi 17 mars, et la nonciature apostolique, le pape n'a sans doute pas porté attention aux immenses panneaux publicitaires, qui, de loin en loin, vantent les mérites du préservatif dans la lutte contre le sida.
Une réalité africaine qui contredit les propos tenus quelques heures plus tôt par Benoît XVI, dans l'avion qui l'amenait sur un continent dévasté par la pandémie. "On ne peut pas résoudre le problème du sida avec la distribution de préservatifs. Au contraire, cela augmente le problème", a-t-il déclaré, abordant pour la première fois de son pontificat le sujet de manière aussi explicite, plus frontalement encore que son prédécesseur Jean Paul II.
"Il aurait dû se contenter de dire que le préservatif n'est pas une solution, ce qui est la position traditionnelle de l'Eglise. Aujourd'hui, affirmer que cela aggrave le problème est une erreur", estime un vaticaniste italien. Outre l'abstinence, le pape a prôné une "humanisation de la sexualité" et "un comportement plus juste". Il a aussi salué le travail d'accompagnement que mènent les institutions religieuses auprès des malades.
Face aux ravages de la pandémie, certains, au sein même de l'Eglise, souhaitaient que ce voyage africain soit l'occasion pour le Vatican d'infléchir sa position. "Aujourd'hui, l'Eglise pourrait admettre que le préservatif est un moindre mal", espérait, avant le départ du pape, un religieux français, régulièrement présent en Afrique. Une association camerounaise d'aide aux malades du sida a immédiatement fait part de son "embarras" après les propos de Benoît XVI. L'Afrique subsaharienne compte 22 millions de personnes infectées par le virus du sida, selon l'organisation Unaids ; et trois-quarts des décès liés à la maladie surviennent dans cette région du monde.
Plaçant son premier voyage en Afrique sous le signe de "la foi et de la morale", le pape a prévenu qu'il ne proposerait pas de "programme politique ou économique". Benoît XVI a été accueilli par le président de la République, Paul Biya, qui a trouvé dans cette visite une tribune politique opportune, s'affichant sur des portraits géants en "parfaite communion" avec le pape. Ce dernier a résumé d'une phrase les maux de l'Afrique, qui, selon lui, souffre de manière "disproportionnée" : "Face à la souffrance ou à la violence, la pauvreté ou la faim, la corruption ou l'abus de pouvoir, un chrétien ne peut pas demeurer silencieux." "Les gens demandent réconciliation, justice et paix, a assuré le pape, qui a repris là les thèmes du prochain synode consacré à l'Afrique, en octobre. C'est ce que l'Eglise leur offre. Non pas de nouvelles formes d'oppression économique ou politique, non pas l'imposition d'un modèle culturel qui ignore le droit des enfants non nés, non pas les rivalités amères entre ethnies ou entre religions, mais (...) la paix et la joie du Royaume de Dieu."
Comme il le fait à chacun de ses déplacements, le pape devait s'adresser aux évêques locaux, mercredi en fin de matinée, et balayer avec eux les spécificités de l'Eglise sur place : concurrence avec les "sectes" et les mouvements ésotériques, mode de vie et formation des prêtres, liturgie... Il devait mettre en avant le rôle "missionnaire" et évangélisateur de l'Eglise.
Dans une allusion au célibat des prêtres, qui n'est pas toujours respecté à travers l'Afrique, Benoît XVI devait rappeler que le pasteur est avant tout "un homme de prière" et qu'il doit s'en tenir à "ses engagements pris lors de son ordination". S'agissant de la liturgie, particulièrement vivante et festive en Afrique, le pape devait appeler à une "dignité des célébrations" pour une meilleure "communion avec Dieu".
Stéphanie Le Bars
Article paru dans l'édition du 19.03.09.
"Le dogme plus important que la vie des Africains"
Les déclarations du pape "pourraient anéantir des années de prévention (...) et mettre en danger de nombreuses vies humaines", a estimé, mardi 17 mars, la ministre belge de la santé, Laurette Onkelinx, "consternée". L'opposition de Benoît XVI au préservatif "signifie que, pour lui, le dogme religieux est plus important que la vie des Africains", a déclaré Rebecca Hoddes, responsable de Treatment action campaign, une organisation sud-africaine anti-sida. Un fonctionnaire camerounais ajoute : "Ce que dit le pape est un idéal pour l'Eglise, mais il devrait regarder la réalité ; on a besoin de préservatifs pour prévenir le sida et contrôler les naissances." - (AFP, AP.)