Selon une étude américaine menée à Baltimore, les médias traditionnels produisent encore la majorité des informationsLE MONDE | 15.01.10 | 15h58 • Mis à jour le 15.01.10 | 15h58
Dans le nouvel écosystème des médias né de la révolution Internet, les supports de presse traditionnels restent, de loin, la principale source d'information du public. C'est ce qui ressort d'une étude du think tank américain Pew Research Center, portant sur la production de nouvelles locales dans la ville de Baltimore (Maryland), rendue publique le 11 janvier.
L'enquête a porté sur 53 canaux d'information, allant du quotidien local aux blogs, dans la semaine du 19 au 25 juillet 2009. Le résultat est sans appel : la presse généraliste, sur le papier ou sur ses sites Web, produit 48 % des informations nouvelles, les journaux de niche (spécialisés dans le droit ou les affaires) 13 %, les télévisions locales 28 %, la radio 7 % et les nouveaux médias (blogs, sites locaux, Twitter...) 4 %.
Les sites Internet se contentent souvent de reprendre en boucle les informations issues des médias traditionnels. Les auteurs en concluent que ce sont ces derniers qui fixent encore largement l'agenda des autres canaux d'information. Les nouveaux médias jouent surtout un rôle d'alerte et de dissémination d'informations venues d'ailleurs.
L'étude souligne la supériorité des médias numériques en ce qui concerne la vitesse de diffusion de l'information : ils sont imbattables pour les "breaking news", c'est-à-dire les nouvelles urgentes. Mais cet avantage a pour corollaires une faible valeur ajoutée et une tendance à reprendre la version officielle des événements. Dans cinq cas, les auteurs de l'étude ont relevé sur le Web des communiqués de presse repris mot pour mot, sans que cela soit signalé. Et ils ont trouvé des passages entiers d'articles parus ailleurs et reproduits sans que la source soit citée.
Redondance et pluralisme
Pour Tom Rosenstiel, directeur du Projet pour l'excellence en journalisme du Pew Research Center, cette étude confirme que la crise des médias traditionnels fait peser une menace sur l'avenir de l'information : " Quand les journaux auront disparu, que restera-t-il à agréger sur Internet ?", s'interroge-t-il. Jeff Jarvis, blogueur vedette aux Etats-Unis, pense pour sa part que "la couverture des informations locales sur Internet peut s'améliorer" et qu'il est trop tôt pour tirer des conclusions de cette étude. "Nous sommes encore à l'aube d'une transformation de l'écosystème des médias", déclare-t-il.
L'enquête américaine vient pourtant confirmer les résultats d'une étude menée sur le Web francophone par trois universitaires, Franck Rebillard, Emmanuel Marty et Nikos Smyrnaios, rendue publique en mai 2009. Celle-ci a porté sur la diffusion de l'information sur 103 sites, au mois de novembre 2008. Elle constate une forte redondance de l'information en ligne : 80 % des articles portent sur 20 % des sujets. Pour les auteurs, "la structure technique du Web favorise la reproduction de l'information. Les conditions économiques des rédactions en ligne (faible coût et forte productivité) conduit à un "journalisme de desk", de réécriture et de reproduction du matériel existant au détriment du contenu original".
Franck Rebillard tient pourtant à nuancer l'étude du Pew Research Center : "Elle porte sur l'information locale. Or, on sait que dans ce domaine, la presse quotidienne régionale bénéficie d'une supériorité évidente par rapport aux autres médias, grâce à son maillage du territoire avec son réseau de correspondants."
"L'étude Pew vient confirmer que le Web fonctionne comme une chambre d'écho, note M. Rebillard. En même temps, Internet reste un support sur lequel il y a de la place pour des informations originales qui, sans lui, ne pourraient pas émerger dans l'agenda. Les nouveaux médias oscillent entre redondance et pluralisme. Ils ne révolutionnent pas le système médiatique, mais viennent l'enrichir."
Xavier Ternisien
Article paru dans l'édition du 16.01.10