Ruby fait scandale au bal de l'Opéra de VienneLEMONDE | 02.03.11 | 14h56 • Mis à jour le 02.03.11 | 17h20
Vienne (Autriche) Correspondante - Heureuse Autriche ! Le monde arabe tremble sur ses bases, la flotte de guerre américaine fait route vers la Méditerranée mais ce qui passionne vraiment l'opinion publique est l'apparition, au bal de l'Opéra de Vienne, jeudi 3 mars, de la scandaleuse Karima el-Mahroug, alias Ruby Rubacuori, la trop jeune maîtresse de Silvio Berlusconi, témoin de choc dans le prochain procès intenté au président du conseil italien.
Le coupable de cette attaque contre le bon goût est l'entrepreneur de bâtiment Richard Lugner, pilier vieillissant des revues people, qui invite, chaque année à grands frais dans sa loge, une "célébrité". Au fil du temps, Sophia Loren, Grace Jones, Faye Dunaway, Claudia Cardinale ou encore Paris Hilton l'ont honoré de leur présence. En 2003 déjà, alors que les Etats-Unis préparaient leur intervention en Irak, la venue de la blonde Pamela Anderson avait fait débat : on craignait qu'elle ne fasse "baisser le niveau" du bal de l'Opéra, qui reste le sommet des mondanités hivernales.
Cette fois, l'organisatrice en chef de ce rituel, Desirée Treichl-Stürgkh (épouse d'un influent banquier), n'a "pas dormi de la nuit" en apprenant la dernière lubie de M. Lugner et a exprimé son indignation lors d'une conférence de presse : "C'est triste, honteux, sans piété", a-t-elle reproché à l'entrepreneur, le menaçant de le rayer des listes l'an prochain.
LES POLITIQUES ÉCLIPSÉS
Mais M. Lugner a déjà atteint son but. La semaine dernière, son nom a été mentionné 217 fois dans les médias autrichiens, et celui de "Ruby" 151 fois, éclipsant tous les hommes politiques. La presse italienne s'est écharpée pour obtenir des billets, tandis que le directeur des programmes de la télévision d'Etat autrichienne, l'ORF, avertissait les journalistes chargés de couvrir cet événement capital de ne pas "dégrader le bal de l'Opéra en bal de putes ".
Car l'édition 2011 – la première sous la responsabilité du nouveau directeur de l'Opéra de Vienne, le Français Dominique Meyer – devait marquer le triomphe de la culture sur la vulgarité.
A son initiative, c'est le prestigieux orchestre philharmonique de Vienne qui fera valser les 5 000 invités ; la cantatrice lettone Elina Garanca sera l'ornement vocal de la soirée et le directeur de ballet, Manuel Legris, doit danser en personne.
Le curé de la cathédrale Saint-Etienne, Toni Faber, a pris la défense de M. Lugner. Costumé, à un autre bal, en Abraham a Sancta Clara, un prédicateur viennois de l'époque baroque, le prêtre a déclaré que l'entrepreneur "nous tendait à tous un miroir", citant même l'Evangile : "Les prostituées entreront avant vous au royaume des Cieux".
Un autre VIP ne viendra pas : Saïf al-Islam, le fils du colonel Kadhafi, qui avait jadis accompagné au bal de l'Opéra son ami Jörg Haider. Occupé à défendre les armes à la main le régime libyen, il a quitté frac et souliers vernis pour une tenue plus martiale.
Joëlle Stolz Article paru dans l'édition du 03.03.11