Quand je dis dans le principe, c'est dans l'absolu. Après, quand on sait que les Etats ont des intérêts les uns, les autres, tout devient plus complexe que les positions.
D'où une question : l'Union Européenne peut-elle exister autrement que comme entité foncièrement anti-démocratique, contre le peuple ?
Pour l'Europe... J'ai une autre opinion :
- Qui envoie des semi-retraités, des vaincus des législatives au Parlement et à la Commission ?
Les partis nationaux.
- Qui raille l'Europe sur chaque situation plutôt que d'assumer les propres responsabilités lors de l'exercice du pouvoir national ou local ?
Les partis nationaux.
Lorsque l'on regarde la construction européenne (à partir de la fin de la première guerre mondiale et des premiers européistes), les dirigeants nationaux ont toujours tout fait pour freiner des quatre fers cette construction même lorsque l'opinion publique était à la fois mûre et massivement favorable (je pense aux années 20 avec le jeu des hypocrites entre Stresemann et Briand).
Plus tard, l'Europe ne s'est construite que dans le domaine de l'économie (secteurs charbon, acier, agriculture, commerce et nucléaire civil) alors qu'il existait des projets très aboutis d'Europe de la défense et politique. Des ensembles au moins aussi pertinents que l'Europe du marché commun.
Pourquoi ? Parce que les hommes politiques ne veulent pas déléguer du pouvoir ou ont toujours tout fait pour fédéraliser l'Europe. Alors comme il fallait de l'Europe, comme les années 50 étaient celles du marché florissant, comme les hommes politiques n'y ont jamais rien compris à l'économie, c'était pas un problème de faire le marché commun. Par contre, les soldats, la politique étrangère, l'Europe sociale, politique, ça non ! On sait faire, c'est à nous !
Seulement voilà, cinquante ans plus tard, les hommes politiques n'y comprennent toujours rien à l'économie (sauf au lendemain du prix nobel de Tirole ou lorsque Piketty devient best seller) mais l'accélération des échanges, des flux, de la NDIT a transformé nos modes de productions et d'échanges avec du bien et beaucoup de questions.
Ah, facile de taxer maintenant l'Europe de tare !
Je ne peux pas te reprocher de ne pas être fidèle à tes convictions puisqu'il y a dix ans, à l'époque du référendum, tu tenais exactement le même discours : "ce n'est pas parce qu'il y a trop d'UE que la situation n'est pas top, mais parce qu'il n'y a pas assez d'UE".
C'est en substance ce que tu disais à l'époque.
Deux remarques.
- en quoi, avoir plus d'UE, va régler en quoi que ce soit le problème démocratique ? Je ne saisis pas très bien... Et là, je pars d'un postulat que l'UE n'aurait pas assez de pouvoir. Sauf que les deux leviers économiques sont la monnaie et le budget. Les deux sont aux mains, directement ou indirectement, de l'UE. Le président Français est un pantin. Tu peux y mettre Sarko, Hollande... tu as toujours la même politique : celle de l'UE. Preuve s'il en est qu'elle a assez de pouvoir.
- seconde remarque : nos politiques sont de piètres économistes. J'ai envie de dire, et alors ? C'est quand même une sacré escroquerie que de faire passer l'économie comme une science (au sens cause->conséquence), et de faire passer les économistes pour des experts. Les économistes, ce sont des gens payés pour te dire après la crise pourquoi elle a eu lieu et continuer à raconter le même catéchisme. Les économistes ne sont juste que des idéologues recouvert d'un vernis de "science". Il faut se rappeler ce que nous racontaient la clique des experts économistes des plateaux télés juste avant la crise de 2008...
S'ils avaient raison, il suffirait de mettre le monde en mode "pilote automatique", et de virer les politiques. Piketty, justement, nous explique que non, un marché livré à lui-même en mode automatique, sans correction, aboutit toujours au même problème, à la même tendance : l'accumulation des richesses dans les mains d'un tout petit nombre, un capital à 8 % de rendement et une croissance à 2 % max. A terme, l'écart entre ceux qui n'ont que le revenu du travail et ceux qui possèdent le patrimoine n'est pas tenable et aboutit, au choix, à une guerre, une révolution... ou bien à un homme politique qui vient réguler tout ça avant que ça arrive.
On nous vante la croissance des pays émergents... mais la croissance "normale", c'est 1 %, ce qui est déjà pas mal. 4, 5, 6 %, c'est une croissance de rattrapage, pas une croissance normale.
Je pense que c'est parce que les hommes politiques ont arrêté de faire de la politique que nous avons un problème, pas parce qu'il ne comprennent rien à l'économie. Parce que personne ne comprend rien à l'économie, comme on comprend les mathématiques, comme on sait que la Lune tourne autour de la Terre. Ce n'est pas une science, c'est un assemblage d'idéologies.
L'Euro, c'est du même acabit. J'aime les Français se plaindre de l'Euro... Quiconque lit l'histoire du Franc depuis Pinay doit s'étrangler quand on ose regretter le Franc. Depuis que le Franc a perdu sa valeur étalon or, il n'a jamais réussi à devenir une monnaie stable et de confiance. Sans le soutien des marks allemands, on aurait pris des dévaluations et des croissances bien plus négatives que ce qu'on a connu dans les années 70 et 80. Mais ça, on a déja oublié.
Faut quand même se rappeler qu'avant Maastricht, le Mark était fort, que Mitterrand voyait dans l'Euro un moyen de "résoudre" le problème du Mark fort. L'Allemagne n'était pas chaude pour l'Euro vu qu'elle n'avait rien à gagner.
Sauf que, l'Allemagne a une tendance à dominer depuis Bismarck. C'est comme ça. L'UE sera allemande, ou ne sera pas. De fait, l'Allemagne dirige l'UE. Et je ne vois pas ce qui pourrait changer ce fait. Et ça pose un problème, bien sûr, cette domination.
Et d'un point de vue économique, le pouvoir monétaire est un des deux leviers économiques. C'est pour cela qu'il y avait un débat à l'époque, parce que s'en défaire, c'est un peu comme se couper un bras.
Bien sûr, cela ne doit pas empêcher le débat sur la gestion de la monnaie unique. Depuis dix ans, la BCE a travaillé uniquement pour l'Allemagne et pas pour les 15 autres pays de l'Euro. Ca va pas ça. Les critères de convergences n'ont jamais été mauvais en eux-mêmes...
Les 3 %, sur quoi se fondent ces 3 % ? Du chapeau de quel magicien ? Et au nom de quoi un Etat devrait avoir un budget équilibré ? Il y a aussi du bon endettement...
Ces critères n'ont été mis en place que pour faire accepter l'euro à une Allemagne réticente au début des années 90, c'est tout. Ca ne repose sur rien de "scientifique".
Mais comme on a jamais progressé sur les dossiers qui fâchent (politique fiscale commune anyone ?) on avancera pas.
Et c'est la faute à qui ça, d'ailleurs ?
A Hollande, c'est vrai. C'est ça qui est génial. Hollande, on n'attendait rien de lui, et il réussit à décevoir. J'ai cru comprendre que la France freinait des 4 fers sur ce sujet-là.
Bon, à la décharge d'Hollande et de son gouvernement, il faut bien comprendre qu'un Ministre qui débarque à Bercy ne décide pas. Il est soumis à tout un groupe d'administratifs puissants (car maîtrisant des dossiers pointus) en commande directe avec les banques, entre autres...
On a une idée du politique tout puissant en France, mais en vérité ils dépendent beaucoup de l'administratif. C'est vrai à presque tous les échelons.
Mais bon, puisque tu abordes le sujet fiscal... ça serait peut-être pas mal de commencer par virer Junker, qui est un scandale puissance 10.
L'Europe merde parce que c'est un hybride d'Etat fédéral contrôlé par les Etats nations. On a une sorte de Confédération de fédération européenne. Cette double lecture, qui excite les professeurs de droit constit, trouble l'Europe.
Or le Parlement européen, certes plus libéral que ses citoyens, a un vrai pouvoir de représentativité et ses travaux, parfois exemplaires, sont totalement passés sous silence (rappelez vous de la posture du Parlement face à Hadopi ! Rappelez vous de sa résistance face à la commission, structure contrôlée par les Etats, face à la manière de concevoir Internet !)
Pour moi, sans renier plusieurs responsabilités que tu as évoquées, je pense quand même que les difficultés démocratiques de l'Europe ne viennent pas de son aspect ou sa réalité technocratique mais bien et SURTOUT de ce que les politiques nationaux en font.
Alors que moi, je pense que l'UE est par nature anti-démocratique.
De toute façon, peut-il en être autrement ? On a fait les choses à l'envers. Il aurait fallu commencer par les peuples, pas par l'économie.
On ne peut pas unifier en 50 ans une Europe protestante, une Europe Catholique, et une Europe Orthodoxe, qui ont foncièrement des identités différentes. Pourquoi s'entêter à vouloir appliquer la même économie en Allemagne et en France, alors que ces peuples ont des cultures différentes ?
Quel est l'intérêt d'avoir à tout prix intégré les pays de l'ex-URSS, autre que celui d'agrandir le marché européen et de permettre aux Etats-Unis de rapprocher leurs bases de la Russie ?
Quel le sens à tout ça ? Passé l'aspect économique, l'UE n'a pas de sens.
Et pourquoi partir du postulat que sans UE, point de salut ?
(j"en pose des questions
^^)
Tiens, par exemple, mettre Moscovici (et avant Cresson) à la commission...
... ou Junker
:p (mon gimmick)
Alors je ne m'inscris pas en faux avec toi car je pense que certains de nos idées ne sont pas si éloignées... mais je pense quand même que la responsabilité est plus liée aux intérêts nationaux qu'une Europe libérale.
C'est notre principal désaccord, c'est certain.
Le truc, c'est qu'on a baigné toute notre jeunesse dans une novlangue "l'Europe c'est la paix" (ça rappelle "1984" et "la guerre c'est la paix") et toute une "propagande" pro-européenne.
Moi, je trouvais chouette le drapeau européen à l'école, bleu avec des étoiles... et mon premier écu, un grand moment
:ptdr:Je suis un peu moins enthousiaste maintenant.
Ceci étant, et malgré le ton que je peux employer, ne vois rien d'agressif dans mes propos.
Je suis pour le débat, ce que l'on nous refuse dans nos démocraties en ce moment.