Concernant Manu', je pense que dans les chancelleries on en rigole: le petit frenchie, les deux pieds dans la merde, qui n'a pas vu venir le coup russe au Sahel pour liquider un beau morceau de la Françafrique, mais qui se permet d'avoir des idées pour ses alliés et qui oublie de leur en parler avant. Cette sortie, c'est comme les prix planchers pour les agriculteurs, c'est du vent, car envoyer ouvertement et officiellement des troupes (combattantes ou pas, peu importe) en Ukraine revient à déclarer la guerre à la Russie. Les commandos de forces spéciales sous couverture et autres instructeurs "privés", c'est évident qu'il y en a déjà. Le fait que les USA et de nombreux autres membres de l'OTAN aient jugé utile de préciser qu'il n'était pas question d'une intervention montre bien qu'ils avaient compris la chose de la même manière qu'une bonne partie de la population française.
Dans la guerre en Ukraine, il y a de la propagande des deux côtés. Et l'une des fictions occidentales est de dire que Poutine est seul. Or c'est faux. L'oligarchie russe est derrière lui, l'armée le soutient, le KGB est là aussi… et ce n'est pas par peur de Poutine, c'est par intérêt. Je ne dis pas que c'est un bloc, qu'il n'y a pas une part de pouvoir solitaire, mais tant que l'oligarchie, dans sa majorité y trouve son intérêt, elle soutiendra cette guerre et Poutine. Si un jour (par exemple pour se refaire une virginité au moment de négocier une paix, ou si une révolte populaire monte fort), une partie suffisamment importante de cette oligarchie décide de lâcher Poutine, il aura rapidement un accident de train/d'avion/de bateau, une explosion de gaz ou autre.
Après, l'autre mensonge est de croire que la Russie va avaler l'Europe (ah, l'image du bolchevique le couteau entre les dents…). La guerre actuelle démontre déjà à l'oligarchie russe la faiblesse de l'armée, puisqu'elle est incapable de reconquérir sa "zone d'influence naturelle". Après, cela n'empêche pas des manœuvres de manipulation de l'opinion, d'achat des élites, mais là on est dans une stratégie d'influence agressive, pas de conquête militaire avec occupation qui pour le coup nécessiterait des moyens colossaux.
Ce qui se passe en Ukraine, je le lis comme un conflit entre impérialismes. J'ai tendance à penser qu'au début de la guerre on était sur une guerre entre la Russie défendant sa zone d'influence et les USA, par procuration des Ukrainiens, tentant d'agrandir la leur. Si la Russie a probablement attaqué pour son propre compte, j'ai tendance à penser que depuis des mois on est dans une guerre par procuration entre la Chine et les USA. Oh, bien sûr la Chine est officiellement "neutre" (tout comme les USA ne sont pas en guerre dans ce conflit), mais leur position permet de gagner dans tous les cas de figure:
- La Russie gagne et conquiert l'Ukraine en partie ou en totalité. De toute manière ses industries, ses finances et sa population sortiront rincées de cette affaire. La Russie, même gagnante, n'aura pas d'autre choix que de vendre toujours plus de ses matières premières à son voisin pour ramener des devises et pouvoir importer des produits manufacturés. Toutefois, dans cette option, la Chine évitera d'avoir des revendications trop grandes (probablement pas de remise en cause des frontières de la Russie, ni de traité trop ouvertement léonin)
- La Russie perd. Là aussi pas d'autre choix pour la Russie de transiger avec la Chine. Dans un premier temps, ça sera peut-être la vente des matières premières, mais de toute évidence, la Russie pourra tirer un trait sur tout son glacis d'Asie centrale (déjà bien grignoté économiquement par la Chine d'ailleurs) et potentiellement sur une partie de son extrême orient... ou alors carrément un traité "d'amitié" aboutissant de fait à une tutelle chinoise
Après, sur un plan géostratégique plus global, de mon point de vue, les USA n'ont jamais été aussi affaiblis depuis la seconde guerre mondiale et ne sont plus complètement en capacité de faire régner la "pax americana". Après la guerre en Irak, de combien de "théâtres d'opérations" ont-ils dû se retirer plus ou moins piteusement? Ça les USA, tout comme les autres impérialismes l'ont parfaitement intégré. Les USA considèrent que leur vrai concurrent est la Chine (belle ironie, puisqu'ils ont largement contribué au développement de son économie, non par altruisme, mais par pur appât du gain.) Ils considèrent que l'Europe leur est acquise (à la louche) et ne pactisera (globalement) pas avec la Chine. Donc ils considèrent que l'Europe leur restera acquise de manière certaine pour de nombreuses années… dès lors, pourquoi s'épuiser à y stationner des troupes alors qu'ils anticipent une guerre (au moins économique) avec la Chine où ils devront jeter toutes leurs forces. Trump le dit juste plus brutalement et ouvertement que Biden, mais c'est ce qui se met en place.